Étrange et intrigant projet que celui engagé par l’écrivain Diego Gil pour le compte de l’éditeur Le Boulon, qui entreprend à travers un livre assez bref (144 pages) de raconter les 24 dernières heures de Ian Curtis, le chanteur légendaire de Joy Division. A l’échelle du post-punk, la dernière Passion de Ian Curtis fait figure d’instant-clé, d’épiphanie terrible et en même temps décisive où la vérité dissimulée du post-punk, et par la même du rock alternatif tout entier, se dénoue.
L’intention de l’auteur est évidemment à travers cette évocation de cette journée du dimanche 18 mai 1980 de rendre hommage à l’une des figures et des voix les plus importantes et marquantes de l’histoire des musiques alternatives. Ian Curtis ayant choisi de se suicider à l’aube, avant que son épouse Deborah ne découvre son corps vers midi, il est probable que l’auteur nous fera revivre la presque aussi célèbre journée du 17 durant laquelle Curtis, après avoir préparé au téléphone son voyage du lendemain pour les États-Unis avec le groupe, rentre chez lui et explique à son épouse qu’il ne la quittera pas mais ne peut se résoudre à abandonner sa supposée maîtresse (on n’a jamais su si l’affaire avait été consommée ou pas) Annick Honoré. Une dispute ou du moins une longue discussion s’en suit qui amène Deborah à passer la nuit chez ses parents. L’enchaînement tragique, lugubre et devenu mythologique au fil des récits et des évocations, est en marche : Curtis, seul au monde, regarde la télévision (un film de Werner Herzog), écoute de la musique (Iggy Pop), mange (peut-être), écrit une dernière lettre à son épouse (restée secrète, si nos souvenirs sont bons), fait une crise d’épilepsie, regarde des photos de sa famille et puis…
Qu’est susceptible d’apporter le livre de Diego Gil, spécialiste de la scène rock bordelaise, à cette histoire ? On n’en sait rien à ce stade. On espère que la chose sera bien écrite et évoquera la situation avec émotion et délicatesse. Tant de pages ont été écrites sur Curtis, Joy Division et la réaction (les causes, conséquences) des membres de son groupe à travers les biographies des uns et des autres, les documents, qu’il faudra une approche nouvelle pour que l’affaire soit réussie. En attendant et pour ceux que cela intéresse, fidèle à sa jeune tradition, le Boulon a enclenché un financement participatif pour promouvoir la chose. Celui-ci, quasi à l’objectif, se termine dans une dizaine de jours, pour une livraison au printemps de l’ouvrage, avec ou sans photos. C’est à voir… mais on ne se lasse pas, après Control, les documentaires et une petite vingtaine d’ouvrages, de remettre le nez là-dedans.