Enregistré pendant le confinement, le nouvel EP, inattendu, de Massive Attack, Eutopia EP, est assez embarrassant. On n’a jamais été opposé, bien au contraire, à ce que l’art et la politique se nourrissent et que la musique, comme cela a souvent été le cas, soit porteur d’un message engagé et citoyen. C’est le cas chez Christophe Maé, The Clash, Patrick Bruel et Amelle Bent, et personne ne s’en est jamais plaint. Mais quand Massive Attack s’y met, c’est fait avec si peu de subtilité qu’il ne reste plus beaucoup de musique autour.
Des trois titres de cet EP aucun n’est un vrai morceau. Le premier revient sur la crise du Covid-19 et sur les changements que celle-ci devrait ou pourrait apporter au monde. Massive Attack appelle à une révolution solidaire et à la reprise de l’aide au développement. La voix off s’invite sur un beat sans intérêt et qui n’est là que pour mettre en valeur la voix. Le « chant » et la production sont théoriquement partagés avec Algiers, comme avec Saul Williams sur les suivants, qui, lorsqu’on les entend, ne font que surligner le message global et faire les guignols à l’arrière-plan. Le deuxième morceau, ci-dessous, est tourné vers la lutte contre les paradis fiscaux et intègre un vrai cours d’économie sur l’évasion fiscale et les façons de lutter contre ses travers. Un morceau sur les paradis fiscaux ? Même U2 n’avait pas osé et on n’imagine pas ce qu’il aurait pris s’il s’y était essayé. Aussi pédagogique que soit la démonstration, ce titre est une sacrée purge et semble faire partie d’un programme de continuité pédagogique monté par la fac pour ses étudiants de première année en économie pendant l’interruption liée à la Covid.
Le 3ème morceau qui convoque leurs jeunes héritiers, les Young Fathers, est un brin plus intéressant mais tout aussi pontifiant. Cette fois, on parle dette, populisme et faim dans le monde. Les arrangements, avec notamment un chœur bien monté à l’arrière-plan, amènent un peu de musicalité dans un exposé qui reste néanmoins invasif et plombant. Les 3 morceaux rassemblés dans cette utopie, plus politique que musicalement inventive, offrent ainsi une vision du monde de demain selon Massive Attack qu’on peut partager, sur le plan des idées, mais qui ne donne pas envie de tomber le masque. Eutopia ressemble plus à un projet scolaire commandé par Blanquer Le Gris pour redonner envie aux étudiants en difficulté de s’intéresser à l’économie politique qu’à l’oeuvre d’un des meilleurs groupes supposés de la planète.
Est-on passé à côté de l’audace immense qu’il y a à tenir ce discours, du côté subversif de la chose ? Peut-être mais si c’est pour s’ennuyer, autant se fader un essaie de Thomas Pikety et une camomille avant d’aller faire son test PCR.