Le premier album des Soldiers of Fortune, sorte de méga-super-anti-groupe américain, sorti il y a cinq ans, nous aura finalement laissé peu de souvenirs. On a mis un certain temps à le retrouver en rayons et très peu pour se rappeler qu’on ne s’en… souvenait plus. Cette amnésie est plutôt surprenante quand on sait que le groupe réunit une brochette de types qu’on connaît plutôt bien et dont on peut apprécier le boulot par ailleurs. Car Soldiers of Fortune (chouette nom de groupe au demeurant) est un groupe fraternel, à éclipses, qui respire le fun et la santé, en même temps qu’une forme de communion réjouissante pour ce bon vieux rock du Sud. Comme on s’est spécialisé récemment dans le rock de Memphis, on n’est même plus effrayé quand un solo de guitares dure un peu trop longtemps ou quand un bon morceau indé vire au rockabilly. L’ADN d’une bonne partie du rock US vient de là (ce n’est à Johnny H, qu’on va apprendre ça) et c’est exactement ce que célèbrent Barry London, Mike Bones (de Oneida), Matt Sweeney (de Chavez et compagnon de route de Bonnie Prince Billy/Oldham/ce que vous voulez), ou encore Brad Truax qui fait la basse (sur scène) chez les New Yorkais d’Interpol. C’est d’ailleurs ce dernier qui est à l’initiative de tout ça. L’idée de départ était de constituer un groupe qui ne répéterait jamais, ne se verrait que lors des concerts et n’enregistrerait jamais la moindre chanson, le tout reposant sur l’adrénaline et l’effet de saisissement provoqué par des concerts épars et de fait laissant une place immense pour l’improvisation. Après la mort de leur guitariste, le groupe s’est pourtant remis en scène et a évolué, sous l’influence de son nouveau guitariste Mike Bones, vers un statut à peu près normal : composition, passage en studio, etc mais en gardant toujours un féroce goût pour l’indépendance, l’impro et la sauvagerie à guitares.
Supergroupe donc qui n’en est pas vraiment un et qui se paie le luxe, en plus de ça, de recevoir des invités qui rendent le super encore plus mégasuper, à quelques semaines de la sortie de leur deuxième album Early Risers le 6 novembre (Mexican Summer / Differ-ant). Cerise sur la cerise, c’est donc Stephen Malkmus qui réapparaît sans ses valets de pique pour un titre échevelé et en roue libre, baptisé Campus Swagger. Pour les amateurs, cela signifie plus ou moins le frimeur du campus et cela permet au chanteur de Pavement de s’illustrer dans ce qu’il fait de mieux : le chant désaccordé et néanmoins parfaitement maîtrisé. Côté musique, il faut aimer cette ambiance mi-vieux blues, mi-rock psyché circa 1968, les guitares et les rythmes qui font flageoler des mollets. C’est western, c’est sudiste, c’est tellement delta mais ça fonctionne plutôt bien tant Malkmus survole la partie vocale avec aisance et virtuosité. On ne fantasmera pas néanmoins sur cet album dans la durée, et malgré l’annonce de la visite de Cass Mc Combs et quelques autres au chant, tant ce genre de musique peut s’avérer assez rébarbatif (sur 10 ou 12 titres) lorsque le groupe n’est pas à la hauteur. Sur ce premier morceau, si l’ambiance est au rendez-vous, on ne tombe pas non plus en extase sur l’inventivité des instrumentistes. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faudra pas aller y jeter une oreille. Rendez-vous est pris dans quelques jours maintenant.