Robert Forster / Songs To Play
[Tapete Records]

Robert Forster / Songs To PlayRobert Forster est le plus chic des musiciens. Le genre à conseiller à un admirateur français, lors d’un concert intimiste dans un bar londonien, la liste des meilleurs disquaires où dénicher quelques raretés en vinyles. Le genre à prendre le métro avec quelques fans éberlués après un set de The Apartments. Pas star, l’ami Forster. Du reste, seule une belle personne ne peut qu’offrir des générosités telles que, au hasard, Karen ou Cattle and Cane. Autre bienfait de ce musicien totalement intemporel : que ce soit en compagnie du regretté Grant McLennan ou bien en solo, Robert ne connaît que l’excellence. On aura beau chercher, impossible de citer une chanson « moyenne » extirpée d’un répertoire maintenant pléthorique. Probablement car jamais Robert Forster ne composa autrement qu’avec nécessité ou ludisme. Or, les dernières nouvelles du songwriter remontaient à sept années déjà. Disque endeuillé (en hommage au frère Grant, décédé d’une crise cardiaque en 2006), The Evangelist ressemblait à une forme d’épitaphe, à une conclusion nocturne, triste mais vaillante. Il était même possible d’imaginer Robert se reconvertir dans le journalisme ou l’écriture de romans, ce qui aurait été cruel pour le monde de la musique.

Septième album solo (limite arlésienne), Songs To Play est peut-être la grande œuvre de Robert Forster à ce jour (on ne compte évidemment pas ici l’intouchable discographie des Go-Betweens). Le titre, déjà, ressemble à un message privé du musicien vers son public : ces chansons, Robert devait les jouer car elles semblaient lui tenailler le corps et l’esprit ; telle une évidence que l’on porte en soi et face à laquelle il paraît vitale d’offrir un droit d’incarnation. D’où, en dix titres agencés selon une tracklist vinyle, une forme de spontanéité, de naturel sans forcing. La cohésion dans toute sa splendeur !

Eternellement fidèle au schéma pop acoustique, Robert Forster varie l’inspiration du moment : incartade bossa ou trompettes mariachis dessinent le portrait d’un saint homme pour qui la musique n’est qu’affaire de plaisir et de convivialité. Logique, ainsi, à trouver, dans les crédits de l’album, les apports de Madame Forster et du fiston Louis : Songs To Play est un travail d’artisan perfectionniste, un partage entre tous (outre la famille Forster, le groupe à présent formé par Robert se compose de cinq membres égaux). S’en dégage le grand bonheur de retrouver un vieil ami empreint de fraîcheur, une bonté d’âme susurrant que « la vie est parfois triste mais commune à tout un chacun ». Reviennent alors en mémoire les paroles de You Can’t Say No Forever (sur le classique 16 Lovers Lane) : « You can’t say no forever… I’ve tried ». Avec ce titre, la paire Grant / Robert refusait l’inclinaison sentencieuse pour, inversement, soumettre l’hypothèse qu’il faut soi-même vivre les choses avant d’en tirer des conclusions hâtives. Ceci pourrait être le véritable propos de Songs To Play : l’expérience individuelle nous apprend que la vie est bien souvent injuste… mais « love goes on anyway ! »

Tracklist
01. Learn To Burn
02. Let Me Imagine You
03. Songwriters On The Run
04. And I Knew
05. A Poet Walks
06. I’m So Happy For You
07. Love Is Where It Is
08. Turn On The Rain
09. I Love Myself (And I Always Have)
10. Disaster In Motion
Écouter Robert Forster - Songs To Play

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