Depuis plus de vingt ans que Dan Bejar préside en marge de The New Pornographers à la destinée de Destroyer, le faux groupe qui lui sert d’exutoire personnel s’est construit une très abondante discographie (Ken étant leur treizième album si les comptes sont bons). Pour autant, il jouit / pâtit toujours d’une stature un peu particulière, entre culte confidentiel et reconnaissance médiatique aléatoire au fil des disques. En 2011, Kaputt (Merge / Dead Oceans) devait être le Cheval de Troie du groupe de Vancouver. Le résultat de ce côté-ci de l’Atlantique fut certes encourageant mais Poison Season (2015) n’a pas permis d’asseoir Destroyer à la table des grands qui font référence en matière de pop-music. Qui aujourd’hui citerait le groupe comme l’un des tauliers du Panthéon Pop ? Dan Bejar est adulé par certains, reconnu par beaucoup pour ses talents de songwriter, mais il semble toujours courir après un succès critique et populaire indiscutable.
Une situation que Ken ne devrait pas permettre de définitivement faire évoluer, malgré toutes les qualités de ce disque. Comme à l’accoutumée, les chansons sont dans un équilibre incertain entre retenue classieuse et un certain maniérisme théâtral, rehaussé par le chant de Bejar. A bien des égards, Destroyer ressemble, pour ce qui est des influences comme des choix de production (très rétrofurutistes) ou de l’instrumentation (une trompette discrète, du piano) à son lointain cousin The Apartments en particulier sur Sky’s Grey qui annonce l’humeur du reste du disque – sacrément mélancolique voire carrément dépressive l’humeur… Par petites touches, l’ombre de The Go-Betweens plane également, et, pour l’anecdote, Cover From The Sun a un petit quelque chose de l’intemporel There She Goes de The La’s (1990). La ligne de basse de Tinseltown Swimming In Blood s’accompagne de sonorités plus cold-wave quand ailleurs l’électronique supplante les inflexions jazzy et psychédéliques présentes sur certaines de ses précédentes réalisations.
Pourtant, l’origine du titre de l’album est à chercher du côté des hérauts brit-pop Suede, Ken ayant été le titre de travail de The Wild Ones (1994), chanson que Dan Bejar tient pour l’une des plus belles ballades anglo-saxonnes – ce qui n’est pas dénué de tout fondement. Pour autant, l’interprétation du barbu de Vancouver ne dégage ni l’érotisme ni la grandiloquence dont peut être capable/coupable Brett Anderson, même si certains plans de guitares, notamment le solo final de La Règle Du Jeu, pourraient être signés par Bernard Butler.
Ken séduit au final pour les mêmes raisons que Kaputt et tend à démontrer un peu plus encore que Destroyer mériterait mieux que d’être cantonné aux éternels seconds rôles.
Destroyer – Tinseltown Swimming in Blood
02. In The Morning
03. Tinseltown Swimming In Blood
04. Cover From The Sun
05. Saw You At The Hospital
05. A Light Travels Down The Catwalk
06. Rome
07. Sometimes In The World
08. Ivory Coast
09. Stay Lost
10. La Regle Du Jeu