Dans un élan de mauvais esprit gratuit ou de lassitude coupable, certains mettront le quatrième album de Saroos au pilori.
Car si Tardis commence de fort belle façon avec Weaver’s Cave, qui avance subrepticement par petites touches pour finir par se déployer dans toute sa hauteur, la suite de l’album déroule sans se délivrer pour se terminer avec une étrange sensation de frustration et d’attente insatisfaite. On pourrait avoir le tort d’attendre vainement le gimmick qui accrochera l’oreille, l’embardée ou le pas de côté qui fixera l’attention, alors que le trio allemand adopte un mid-tempo sans à-coup. Les compositions cinématiques instrumentales s’installent dans le confort que la technicité des musiciens et les moyens d’enregistrement mis à leur disposition permettent. Pour dire clairement les choses : c’est souvent beau et bien fait, mais l’impatience pourrait engendrer l’ennui. Chaque morceau tente d’imprimer une ambiance, une humeur, sans pour autant poursuivre un objectif. Comme une belle image sonore, au cadrage léché et avec une balance colorimétrique flatteuse, mais que tout un chacun risque de ne pas savoir localiser dans sa géographie personnelle. Tardis pourrait même être taxé de n’être qu’un « album de musiciens pour musiciens » : la qualité de production est indéniable et les 10 compositions entièrement instrumentales constitueront une riche banque de données qui feront le bonheur des samplers.
Reste que le trio n’est pas constitué par les perdreaux de l’année. Alors, on laisse les compositions de Florian Zimmer (Iso68, Contriva, Driftmachine), Christoph Brandner (Lali Puna, Console) et Max Punktezahl (The Notwist, Contriva) filer encore une fois ou deux dans le lecteur. C’est alors qu’on a baissé la garde, qu’on se laisse cueillir par Orange Book, sur lequel plane le fantôme de Trish Keenan, feu la chanteuse de Broadcast que les Allemands auraient tant aimé inviter à collaborer. Ici, Saroos reprend le flambeau de Fridge (rappelez-vous cette merveille qu’est Long Singing en clôture de Happiness – 2001). Après les vapeurs moites de Clotho ou la langueur d’une scène immobile (Seance évoque le géant Ennio Morricone), on doit réévaluer alors les compositions du trio et on comprend mieux pourquoi l’album s’intitule Tardis pour « Time And Relative Dimension In Space« .
On ne saurait donc que conseiller aux amateurs de sensation forte de passer leur chemin, et, au contraire, à ceux qu’une production analogique peut conduire à l’orgasme ou qui sont prêts à laisser leurs oreilles musarder, de se plonger sans a priori dans ce disque discret.