Jean-Paul Belmondo dans Léon Morin, prêtre (capture d’écran)
A Belmondo, restera, pour le meilleur et pour le pire, associé à jamais un thème musical : celui composé par Ennio Morricone pour le Professionnel, l’un des premiers films sur la Françafrique et qu’on découvre, pas très loin de l’ouverture, alors que Belmondo est aux prises avec un commando black qui fout le feu au lance-flammes à des cases de foin. Joué lors de l’hommage nationale aux Invalides par la Garde Nationale, Chi Mai (c’est le nom du thème) est un thème que Morricone avait d’ailleurs déjà vendu au réalisateur polonais Jerzy Kawalerowicz pour son film Maddalena. Un hasard donc (une flemme du maître d’après la légende) qu’il se retrouve là et colle instantanément à la peau de l’acteur, avant d’être lui-même accolé en 1986 et 1991 à deux publicités emblématiques pour la marque Royal Canin.
C’est tout le charme amer des oreilles musicales que d’avoir ainsi fusionné dans une seule mémoire l’image d’un Belmondo conquérant (et émouvant) et d’un Berger allemand qui galope. L’image est vulgaire, « populaire » mais dit assez bien la carrière d’un homme qui aura passé plus de temps à remplir les salles qu’à tourner dans des chefs-d’œuvre. Belmondo, à l’inverse d’un Delon qui ira bien plus loin dans la supervision de ses films, n’a jamais été un grand amateur de musique. On ne le prendra pas à chanter. Mais il aimait les valeurs sûres, qu’il les choisisse lui-même dans les années 80, lorsqu’il est devenu son propre producteur, ou que les réalisateurs les choisissent pour le mettre en scène. On trouve ainsi à travers son parcours en cinéma des thèmes assez formidables, composés par les plus grands. Parcourir les musiques des films de Belmondo, c’est ni plus ni moins qu’explorer l’histoire originale des musiques de film des années 70 à nos jours, un bonheur où l’on croise beaucoup Vladimir Cosma, George Delerue et quelques autres, mais où on peut aussi dénicher quelques petites madeleines pop (la chanson du Cerveau) ou variété (Nicole Croisille).
Plutôt que de regarder les films (qui à l’exception des Godard, de Cartouche, le Magnifique et tout de même une vingtaine d’autres) ont plutôt mal vieilli, on peut se souvenir de Bébel en prêtant l’oreille et en s’imaginant cet Enfant Gâté courant le pelage impeccable dans la brousse jusqu’à son bol de croquettes. Royal Canal.
1. Martial Solal – A Bout de Souffle
Recommandé par Godard à Melville, le pianiste jazz Martial Solal, signe une bande son qu’interprète un big band et (une première pour ce jeune compositeur) et un orchestre à cordes. Solal compose de la musique et on entend le son de la liberté tout du long. La BO est un immense succès, dont on peut prendre l’album entier. Solal se paie une maison avec les royalties. Godard trouve que son boulot est assez nul et ne lui passera plus jamais commande.
2. Ennio Morricone – Le Professionnel
Pour les fans, on retrouve Chi Mai dans une parodie de la publicité Royal Canin dans le film Astérix : Mission Cléopâtre.
3. Claude Bolling – Mexican Paradise (le Magnifique)
On a un petit faible pour le travail de Claude Bolling qui mêle classique et jazz. Même si ses musiques de film sont souvent composées à la chaîne et rapidement, la BO du Magnifique (il composera également celle de Borsalino) est une petite merveille avec ses sonorités hispanisantes, son aspect parodique et sa fluidité jazz. S’il fallait en retenir une et une seule, ce serait peut-être celle-ci.
4. Vladimir Cosma – Oy Oy Oy (l’As des As)
Cette composition n’est clairement pas le chef d’oeuvre de Vladimir Cosma mais elle illustre une scène assez amusante du film de Gérard Oury où les Rosenblum jouent devant le Führer. Le mélange comique de musique traditionnelle kletzmer, de flonflons et de musique classique est plutôt amusant. Le film se revoit avec plaisir si on est pas trop exigeant.
5. George Delerue – Thème de l’Homme de Rio
On aurait pu faire toute la playlist avec les compositions de George Delerue. La BO de l‘Homme de Rio qui est peut-être, après les Godard, le meilleur film de Belmondo, vaut pour son usage des rythmiques. Le registre latin-jazz est exploré avec pas mal d’à propos et confère une énergie au film qui ne fait pas de mal au cinéma de Broca, souvent plus enlevé qu’inspiré.
6. Ennio Morricone – Peur sur la ville
Il est souvent difficile d’apprécier les compositions de Morricone qui sont si nombreuses et souvent inégales. Celle de Peur sur la ville est glaçante, souvent novatrice et fait, sur ces meilleurs moments, penser à du Carpenter psychédélique. Ici, sur la scène de la fête foraine, on a vraiment les fois. L’atmosphère est badine mais menacée par le regard impitoyable de Minos, l’un des méchants les plus emblématiques (et un peu ridicules) aussi croisés par Belmondo et interprété par Adalberto Maria Merli. Brrrrr.
7. George Delerue – Cartouche
8. Hold Up de Serge Franklin feat Rena Scott
Hold Up referme définitivement le couvercle sur le Bébel conquérant des années 80 (on est en 1985). C’est un film qui prolonge la longue décroissance de popularité de l’acteur et le laissera sans boussole pour le restant de sa carrière. Le film, tourné au Canada, est médiocre et la musique à la hauteur de tout le reste. Pour dire la chose, c’est irregardable aujourd’hui. Mention spéciale évidemment pour le saxo d’époque . On est pas chez Roxy Music mais avec Arcady aux manettes, on se croit dans une version abâtardie et cheap du cinéma US.
9. Pierrot le Fou – Anna Karina chante Antoine Duhamel et Serge Rezvani
On appelle cela la grâce. On s’est toujours demandé ce qui se serait passé dans le film si Belmondo avait répondu à Anna Karina plutôt que de prendre son petit-déjeuner, la clope au bec.
10. Belmondo – Rêve de toi
Oh, Oups, il s’agit d’une erreur. Rien à voir, enfin si, mais on ne pouvait pas résister à ce Rêve de toi.
11. François de Roubaix – La Scoumoune
On continue le défilé des plus grands compositeurs avec cette Scoumoune de François de Roubaix pour Jose Giovanni. Le budget consacré à la BO ne semble pas démentiel mais cette BO restera paradoxalement l’une des compositions les plus connues et recherchées du compositeur. A la réécoute, ce n’est clairement pas notre préférée.
12. Philippe Sarde – Flic ou Voyou (starring Chet Baker)
Philippe Sarde est le compositeur attitré de Georges Lautner. Cette BO de Flic ou Voyou mêle jazz et musique classique. C’est clairement le cocktail qui fonctionne le mieux pour accompagner les tribulations de Bébel à cette époque. Et puis la trompette est celle de Chet Baker et cela suffit à changer la vie, non ?
13. Nicole Croisille– Qui me dira (Itinéraire d’un enfant gâté)
On peut dire du bien et du mal de Lelouch et de son Itinéraire d’un Enfant Gâté. Cela reste l’unique film important de Belmondo sur la période tardive. Probablement sa dernière réussite. Côté musique, le film brille par l’utilisation de ce morceau de Nicole Croisille que les fans associent au personnage de Belmondo et à la peinture que donne Lelouch du temps qui passe.
14. Carole Fredericks – Runaway Love (Une chance sur deux)
Pour ceux qui ne s’en souviendraient plus et s’y repencheraient par pure nostalgie : n’y allez pas. Une chance sur deux sonne évidemment les retrouvailles de Belmondo et Delon au cinéma mais est au niveau de sa chanson phare : un film indigne, dérythmé et au scénario écrit sur un coin de table (pas très propre).
15. Le Cerveau – Cento Giorni de Caterina Caselli
Il n’y a presque que le jazz qui accompagnait bien Belmondo. A une exception près, la BO du Cerveau est probablement ce qu’on peut imaginer de plus cool dans un film de Belmondo.
C’est pour ça qu’on termine par deux morceaux extraits du film, Caterina Caselli qui accompagne la sortie maillot de bain de la divine Silvia Monti et puis le morceau le plus pop kinksien de la filmodiscographie de Belmondo pour le so british Brain de Gérard Oury.
16. Le cerveau American Breed – Brain
Bonus – Le Petit Chien de Dominique et Cécile Zardi (Dr Popaul)
Comme on a peur de rien et qu’on est infiniment généreux, on vous rappelle que Belmondo a aussi tourné pour Chabrol sur ce contestable mais pas dégueu Dr Popaul, l’histoire d’un toubib frivole et paraplégique suite à un accident qui se souvient de sa gloire passée et notamment de son goût des femmes laides. Quelle horreur. Le film reste l’un des plus gros succès commerciaux de Claude Chabrol. Comme quoi…
J’ai pas bien compris la référence à Robert Hossein dans Peur sur la Ville.
Merci pour votre attention. C’était juste une coquille (je ne m’explique pas comment). Il fallait lire Adalberto Maria Merli et pas Robert Hossein. Je venais de revoir le Professionnel… sûrement. Bref, Minos et son oeil beurk, le tueur en série le plus terrifiant de l’histoire du cinéma avec Belmondo.