Il faut un certain temps pour s’affranchir du mirage vocal, tant de prime abord, on croit entendre une énième réalisation de Mark Kozelek. L’ex-leader de Red House Painters est tellement prolixe – au minimum 2 à 3 albums par an entre ses diverses collaborations et ses sorties en solo … une vraie dysenterie – qu’on imagine volontiers qu’il a participé à cet album de The Amazing. Et si cela avait été le cas, In Transit serait alors le meilleur album du Californien depuis les tout premiers albums de son projet Sun Kil Moon (période 2003-2008). Ce qui place la barre à un niveau très élevé et rarement atteint ces dernières années. De surcroît, les roulements de batterie évoquent immanquablement le jeu d’Anthony Koutsos, batteur originel de Red House Painters. Sauf qu’on se perd en conjecture avant de comprendre que Kozelek n’a rien à voir là-dedans.
The Amazing ne vient pas du Grand Ouest ni du cœur des 90’s. Le groupe a été fondé à la toute fin des années 2000 par Christoffer Gunrup qui a débauché des musiciens émérites, et pour la plupart impliqués dans le groupe Dungen, auteur d’une huitaine d’albums prog-pop, de quelques tubes (dont Festival, inusable chanson de vacances d’été) et d’une toute récente collaboration avec les américains de Woods.
Si le chanteur-guitariste a réuni autour de lui ce groupe de francs-tireurs (ils ont tous participé à nombre de projets), c’est pour donner à ses compositions l’ampleur qu’elles méritent. Ça joue. Et ça joue bien. On mesure sans peine l’apport de chacun de musiciens et les partitions sont exécutées avec justesse, mais sans excès démonstratif (exception faite de l’appendice bruitiste qui ponctue le par ailleurs magnifique Benson Se Convirtio Completamente Furiosa).
Mieux encore que les cinq précédents albums du sextet suédois, là, où In Transit parvient à outrepasser les ressemblances et magnifier ses références, c’est dans cette faculté à bâtir des compositions pleine d’espace. Les écoutes défilent, les fantômes se dissipent pour mieux laisser transparaître la toxicité des compositions de Christoffer Gunrup. In Transit est à la fois une œuvre riche par la profondeur du ton, l’introspection qui dicte l’ambiance mais aussi follement libre dans son expression. Il y a de la tension et de la puissance, de la douceur et de la fragilité. Tout ceci ne tient pas à grand chose : essentiellement à la sincérité de l’émotion qui traverse l’album. Pour le reste, les accords en mode mineur répondent à merveille au chant qui exhale une mélancolie chaleureuse. Les compositions sont évolutives, jouant sur les parties d’ombre et celles emplies de lumière, comme sur Voices Sound dont les accidents rythmiques font merveille à chaque écoute et qu’on pourrait écouter le final ad vitam æternam. Et il en est de même sur A Million Days, ou encore avec le planant Rewind, Dans ce registre des albums qui peuvent paraître mineurs par leur modestie mais procurent des émotions majeures, on n’avait rien entendu d’aussi bouleversant depuis Closing Forever Sky de Firekites. On en reparlera à l’heure des comptes de fin d’année (et probablement pour quelques temps encore).
02. Voices Sound
03. A Million Days
04. First Touch Of Light
05. Rewind
06. Never Be
07. Benson Se Convirtio Completamente Furiosa
08. For No One
09. Leave Us A Light
10. Asleep
11. Je Travaille Dans La Banque