Deux ans tout juste après son inaugural Astana, Viot revient avec un nouveau single surprenant, Hallali, qui augure d’un virage radical pour l’ex-futur « chanteur à minettes » du Venus Bar. Composé par Alexandre Armengol Areny, Hallali est évidemment un tournant dans la jeune carrière du chanteur qu’on savait, sur de précédentes livraisons, attiré par les sonorités électroniques. Après une collaboration avec son héros Richard Fearless de Death In Vegas, et des références récurrentes à Suicide et Alan Vega, Viot décide de laisser tomber (temporairement?) les attributs traditionnels des groupes de rock pour se produire en formation légère et en mode électronique.
Le morceau, qui préfigure un album entier composé dans cette configuration, est non seulement saisissant, déstabilisant mais surtout très audacieux et réussi. Beaucoup ont cédé à cette tentation (Marc Almond, Etienne Daho) sans convaincre tout à fait. L’ouverture prend aux tripes sur les premières secondes et nous plonge dans un univers toujours très cinématographique où l’on s’attend à croiser un monstre à la Andres Muschietti (Mama, Ca) ou une créature transgenre tirée des premiers Lynch ou de chez Cronenberg. Hallali est crépusculaire, sombre et violente. Elle sent le sang et le soufre mais aussi la sueur et l’angoisse. Le sentiment de traque et d’instabilité est renforcé par la diction faussement mécanique du chanteur qui rappelle, comme toujours, la métrique appliquée et millimétrée de Bashung. Les mots sont non seulement prononcés avec conviction mais aussi soigneusement découpés et détachés en syllabes qui claquent et sifflent comme les fléchettes du texte. Hallali parle évidemment mise à mort mais également rupture, disjonction des corps et des consciences, sans qu’on sache qui est le chassé et qui est le chasseur. C’est cette ambiguïté qui soutient l’attention et rend le titre si troublant. Le texte est alambiqué, rimé avec une application presque anachronique, mais taillé avec tellement d’aplomb et de justesse, traversé par de telles fulgurances, qu’il s’impose instantanément dans toute sa dimension macabre avec force et évidence. Le miracle est que cette musique spectrale permet aussi de danser et ne s’adresse pas qu’au cerveau. Le sang est bouillant. L’atmosphère est étouffante, comme si le sanglier décidait d’aller se réfugier dans la moiteur rouge d’un Macumba de province. La vignette est splendide. La bête et la belle se foutent sur la gueule et se dévorent comme les vampires de Jarmusch. L’animal et les amoureux fusionnent dans un affrontement vertigineux.
Dans le paysage « chanson » actuel, la prise de risque est totale et ne peut qu’être saluée. Hallali respire l’exigence et affirme le projet cohérent et pleinement assumé d’entrer en contrebande. Viot plonge avec ce titre dans la nuit d’un puits sans fond. Il introduit la chasse à courre en discothèque, une forme d’électro gothique dans les clubs branchés, sans céder sur la poésie et l’ambition littéraire. Un peu Diamond Rings en noir et blanc, notre Canadien favori, un peu Wire, Bowie caméléon, il reste à Viot à définir un peu mieux le personnage qui va avec sa nouvelle orientation et à faire parler de lui.
Depuis la mort de Daniel Darc, le trône de Roi Dandy est vacant. Il faut donner à manger aux lions.
Entends-tu les escrocs arriver au galop ?
Gantés de cuir noir et armés jusqu’aux dents
Dans les ronces s’enfoncent les épines de maux violents
Qui se plantent comme des flèches dans la peau
Viot se produire le 11 mai au Supersonic, à Paris.