Après de nombreuses années à construire des albums subtilement grandiloquents, les Dandy Warhols, en 2012 avec This Machine, affichaient un soudain profil bas : inégal mais modeste, le disque ressemblait à une transition, au souhait de revenir vers un songwriting à l’épure parfois réjouissante. Avant, peut-être, d’à nouveau pasticher la musique des vingt dernières années ?
Distortland met à mal cette dernière hypothèse tant celui-ci, au niveau du fond comme de la forme, rempile dans la soustraction et l’effacement. Pas un hasard si les titres furent écrits par Courtney Taylor sur un enregistreur de cassettes (avant un petit boost via le producteur Jim Lowe) : les dix morceaux proposés ressemblent tous à des démos au souffle un peu crade, un peu brinquebalant – comme si le mix avait consisté à ne jamais camoufler l’esprit vintage ici revendiqué. L’écoute à chaud n’est pourtant guère emballante : absence d’unité (une dérive krautrock western lo-fi s’enchaîne à une parodie trop explicite de Surfin’ USA), sensation de bidouillages semi improvisés, refrains mis en sourdine (le single, très mineur You Are Killing Me, est bizarrement le plus « évident » du lot)… Pour la première fois, un album des Dandy Warhols s’apprivoise avec difficulté. Il faut se battre, constamment y revenir, pour trouver l’éventuelle porte d’entrée.
En creusant la question, Distortland, tout en conservant son aspect mineur initialement rebutant, permet d’entrevoir quelques motifs à mea culpa. Si le second degré de Pope Reverend Jim ou la britpop cartoon d’All The Girls In London (version Piccadilly Circus du Sunday Sunday blurien) restent anachroniques, les Dandys décrochent heureusement quelques flèches intimistes plutôt sincères (à défaut de pleinement convaincre) : mention spéciale à la sobriété de Give, au joli entrain de Catcher In The Reye et à la simili funk de Styggo.
Distortland, après This Machine, laisse à penser que les Dandy Warhols veulent s’affranchir de leur image (ni vraie ni fausse) de « groupe ironique » (The Grow Up Song, est-il dit en conclusion). On sait depuis longtemps que les Portlandais, entre deux ou trois clins d’œil distanciés, peuvent écrire des chansons d’envergure (pour ne pas dire éternelles) ; c’est aujourd’hui ce que Courtney Taylor cherche à se prouver à lui-même. Et si la démarche reste encore trop extrémiste (crédibilité ne signifie pas nécessairement élitisme), ce huitième album n’entrave en rien la sympathie et le respect que l’on porte aux Dandys…