Yasmine Hamdan / Al Jamilat
[Crammed Discs]

8 Note de l'auteur
8

Yasmine Hamdan - Al JamilatDans le sublime poème vampirique de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive, Yasmine Hamdan apparaissait comme par magie, à Tanger ; chanteuse intemporelle, Libanaise à la voix totalement charmeuse. L’artiste semblait sortir de nulle part, comme si les époques n’avaient aucune emprise sur sa façon de concevoir la musique – du reste, on suppose que Jarmusch, tombé sous le charme lors d’un concert, incorpora Yasmine à son film pour cette dernière raison : quoi de mieux qu’une musicienne hors mode, contemporaine, cosmopolite, pour signifier l’éternité, la transmission artistique, le dialogue entre chaque pays du monde ?

Jim, comme toujours, voyait juste : Yasmine Hamdan, qui habite dorénavant Paris, parle un langage musical commun à tous, mais elle refuse de se positionner sur un quelconque mouvement, sur un style qu’il serait trop simple d’identifier en divers accords facilement interprétables. Et à l’instar de Ya Nass (en 2013), Al Jamilat est un (très grand) disque qui emmagasine les différentes cultures, donc les nombreuses existences, de l’auteure compositrice.

Yasmine Hamdan détient un talent rare : elle « vampirise » les étiquettes mais réussit toujours à convoquer l’évidence, le naturel. Une logique se ressent, et émeut, dans Al Jamilat (Crammed Discs) : les contours s’affirment pop (tube sur tube sur tube), mais l’écriture insiste sur une volonté d’épure (qui tend parfois vers la possibilité folk – au passage, il faut acclamer la production hyper gracieuse de Luke Smith et Leo Abrahams, qui reprennent, et développent ici, leurs précédentes expérimentations en compagnie de Depeche Mode, Lily Allen et Brian Eno).

Al Jamilat est donc un disque que l’on pourrait ranger aux côtés de certains travaux de Leila  (Like Weather), Eno (Another Green World, My Life in the Bush of Ghosts), Gorillaz ou Foals : l’abolition des frontières est une chose acquise, un espoir qui s’exprime (avant tout) d’un point de vue musical. Al Jamilat est un album qui donne de l’espoir.

L’emploi de l’Arabe est également formidable. On ne comprend évidemment pas le sens précis des textes, mais ce n’est pas grave : il suffit de se laisser porter par le chant (l’un des plus beaux de ces dix dernières années) pour vivre l’émotion manifestée, l’intention exprimée. Tout est musique, chez Yasmine Hamdan. Elle revient ainsi à cet essentiel (qui, pour beaucoup, se perd parfois dans le temps) : le sens d’une chanson, son pouvoir évocateur, ne découlent que de cet alliage parfois magique entre une sonorité et un timbre vocal. La nationalité de la langue importe finalement peu : si c’est habité, c’est universel. Nous sommes tous égaux face à la musique, semble nous dire cette exploratrice de plus en plus incontournable.

Tracklist
01. Douss
02. La Ba’den
03. Assi
04. Choubi
05. Iza
06. Cafe
07. K2
08. Al Jamilat
09. Balad
10. La Chay
11. Ta3ala
Ecouter Yasmine Hamdan - Al Jamilat

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