Après avoir présenté un surprenant premier groupe russe à un large public français, Talitres propose aujourd’hui d’entrer dans l’univers d’Utro/Утро (‘matin’) avec six titres récents.
Nouvelles sensations venues du froid ? Oui et non puisqu’il s’agirait plutôt de la version ‘Mr Hyde’ du ‘Dr Jeckyll’ qu’est Motorama, comprendre par là qu’il s’agit d’un projet parallèle au groupe de Rostov-sur-le-Don.
A l’heure où, en 2010, Motorama auto-publiait et donnait sur son site web son premier album Alps dans la plus pure inspiration post-punk mancunienne, en anglais dans le texte, ces adeptes de Joy Division avaient déjà mis sur pied une mission d’exploration des mêmes contrées musicales mais cette fois-ci en russe.
Deux plus tard donc, le label Bordelais ramenait dans ses valises Motorama et leur deuxième long format Calendar. A présent donc que l’adoption populaire a validé l’aventure du groupe dans la langue de Shakespeare, il ne restait « plus qu’à », en quelque sorte, étendre le domaine de la lutte à un répertoire déjà riche du projet que l’on pourrait un peu trop vite apparenter à la version originale de l’adaptation anglaise. Car l’EP Solnze/Солнце (‘soleil’) n’est en rien le coup d’essai d’Утро.
Alors que Motorama publiait son premier LP après deux magnifiques EPs et un single, Утро en était déjà à un album précédé d’un magnifique EP au son vintage Semnadtcatoe Noyabrya/Семнадцатое Ноября (’17 novembre’) qui ravira les plus curieux et amateurs d’une surf-punk-wave, reverb’ à l’extrême et batteries entre Warsaw et Lost Control enregistré sur un magnétophone aux limites de saturation vite atteintes (Квадрат/Square).
Solnze/Солнце est plus brut de décoffrage et en même temps plus produit, à la mode d’aujourd’hui. Moins d’écho tiré, imaginons, d’un vaste entrepôt industriel vidé de tout, moins de rugosité dans le jeu de guitare ou de basse, mais toujours la même urgence grave et sévère. De là à exprimer le même léger regret d’avoir perdu en cours de route un peu de de froid qui prend vos muscles à vif, comme chez Motorama…
Dans ce deuxième EP d’Утро donc, point, ou moins, de vibrations post-punk ou new wave mais plutôt une sensation d’avoir été presque purement et simplement tout réduit à une forme de quintessence minimaliste acoustique. La langue importe peu puisque l’émotion nous transporte aussi facilement vers les steppes et forêts auxquelles Motorama nous a d’ores et déjà accoutumés.
Comment ne pas tomber sous le charme de ces réverb’ et lignes de basses, mieux contenues mais qui n’en finissent plus de cristalliser dans (l’imagine-t-on) l’air ambiant d’un matin d’hiver sur les rives gelées du Don… et de cette batterie fantomatique qui pulse au rythme de la voix sépulcrale de Vladislav Parshin.
Mention spéciale du coup pour le titre The Seraph Flies.