Notre connaissance du jazz japonais s’arrête à la poignée de disques (précieux et indémodables) réédités chez Modulor Records par Fuzati, le leader du Klub des Loosers dans le cadre de son Très Jazz Club. On ne s’était jamais intéressés à Akiko Yano avant qu’on nous mette sous l’oreille quelques extraits de la réédition de son premier album intitulé sobrement Japanese Girl.
L’album, qui sort pour la première fois en France ces jours-ci sur le label WeWantSounds, est accompagné d’un écho favorable : un album important qui reprend l’un des meilleurs disques japonais des années 70. 1976 pour être précis, soit un instant où les musiques japonaises sont encore hors du monde, mais commencent à se laisser pénétrer par des influences occidentales et américaines en particulier. Après vingt ans et quelques, la culture jazz américaine a profondément marqué les musiciens japonais. Akiko Yano, qui se mariera plus tard au compositeur Ryūichi Sakamoto, est au coeur de ce grand mélange et signe avec cet album novateur une sorte d’OVNI qui peut s’entendre comme un objet traditionnel de musique japonaise, un disque de jazz, voire, pour les plus aventureux, un machin pop quelque chose au charme indéfinissable.
Il faut évidemment un peu d’exercice pour s’habituer à ce chant et aux vocalises de la jeune femme, aux enluminures qui accompagnent le piano et à la variété d’influences qui se manifestent dans ces morceaux, mais on peut accueillir tout cela dans un esprit d’ouverture extrême et y trouver son compte. Si elle reste à ce stade profondément ancré dans une histoire musicale japonaise dont on ne connaît à peu près rien, la recherche de Akiko Yano n’est pas étrangère des révolutions chaotiques, bebop et free qui agitent New York quelques années plus tôt autour de Monk ou de Lester Young. Au risque de raconter de réelles bêtises par inculture, on se contentera de renvoyer à l’écoute elle-même de ce disque qui est indubitablement une proposition originale et exotique, même 43 années plus tard. Cette Japanese Girl est toujours aussi novatrice aujourd’hui qu’hier, c’est bien ce qui compte.