Alors que l’ancien chanteur des Smiths s’est remis en route depuis quelques semaines et arpente les Amériques pour une énième tournée qui passera par le Pérou, la Colombie ou encore le Chili, parsemée d’annulations et de triomphes, alors qu’il n’a toujours pas la moindre perspective de sortir l’un ou l’autre des deux albums qu’il a enregistrés, Morrissey fait l’objet de nombreux signaux amicaux qui témoignent de sa place dans l’histoire du rock contemporain. Le dernier en date émane de l’Américaine Chrissie Hynde, chanteuse et cofondatrice des Pretenders, qui s’est associée à la non moins sublime Cat Power pour reprendre The First Of The Gang To Die, single de 2004, en un duo plein d’élégance et de pertinence.
Le duo a été enregistré pour un album intitulé (fort judicieusement) Duets, sur lequel Hynde a invité une pléthore de stars pour des reprises incroyables. Le disque est sorti vendredi 17 octobre et mérite le détour. On y trouve notamment un duo autour du Cant Help Falling In Love d’Elvis avec feu Mark Lanegan (merveilleux), ou encore le formidable Try To Sleep de Low avec Debbie Harry (un vrai rêve éveillé). Le casting est 5 étoiles avec Rufus Wrainwright, Dave Gahan, Shirley Manson ou Alan Sparhawk. On y reviendra sûrement en tant que tel mais vous pouvez d’ores-et-déjà dessus.
Pour revenir à Morrissey et à ce duo, First of The Gang To Die est l’un des titres qui, interprété d’abord sur scène à compter de 2002, avait fait forte interprétation après le long hiatus qui avait abouti au retour triomphal du Moz avec You’re The Quarry. La chanson marquait la transposition du cadre narratif de Morrissey de l’Angleterre de Maladjusted vers l’Amérique du Sud, puisque la chanson se déroule possiblement au Mexique ou à Los Angeles… (il y avait aussi sur le disque une face B appelée Mexico) et met en scène le jeune Hector, nom universel qui fait penser au Hector grec, happé dans la guerre des gangs jusqu’à en périr et dont on tombe instantanément amoureux. On y trouvait notamment ce couplet magistral :
You have never been in love
Until you’ve seen the sunlight thrown
Over smashed human bones
et ce final plus que parfait :
Hector was the first of the gang
With a gun in his hand
And a bullet in his gullet
And the first lost lad
To go under the sod
And he stole from the rich and the poor
And the not very rich and the very poor
And he stole all hearts away
He stole all hearts away
He stole all hearts away
Away, away
He stole all hearts away
Away
He stole all hearts away, away
He stole all hearts away, away
He stole all hearts away, away
He stole all hearts away, away
sur une composition de l’indispensable Alain Whyte, brièvement revenu dans le groupe il y a quelques années. La version de Chan Marshall et Chrissie Hynde est très belle elle aussi, un peu moins pop et punchy que l’originale, elle insiste sur le tragique de situation et (voix de femmes oblige) donne le sentiment que le titre est interprété par une mère ou une sœur pleurant son fils ou son frère. C’est à la fois beau et juste et ça nourrit la profondeur du texte. Un bel exemple de reprise bien dosée qui se multiplie sur le disque. Morrissey dans sa tanière ou son bus de tournée doit en frissonner de plaisir et en pleurer de joie.

