Chanson du mois : Le Stuntman de Dick Turner est maintenant en vidéo

Capture d'ecran doc Thierry Hallard, profession cascadeurOn l’avait signalée déjà l’an dernier, à l’occasion de notre critique du EP dont elle est issue : la chanson Stuntman de Dick Turner est l’une des plus touchantes, des plus justement interprétées et des plus sublimes qu’il nous ait été donné d’entendre ces dernières années. Pourquoi tant de superlatifs pour un simple morceau de pop DIY, composé par un obscur Américain à Paris, pas tout à fait jeune et pas tout à fait sur la route du succès ?

Il y a des morceaux qui font mouche. Certains deviennent des tubes interplanétaires, assurant les arrières de leurs auteurs pour des générations et des générations. D’autres agissent comme des chansons-totems, des petits précipités de sensibilité qu’on peut chérir égoïstement dans la chaleur/froideur du foyer, en petit comité et en amateurs de miniatures. C’est dans ce registre-là que travaille la poésie délicate et fragile de Dick Turner avec son cascadeur/ Stuntman qui ne feint pas de se casser la gueule et récolte blessures et fractures à tour de bras pour l’amour de l’art.

Le texte est magnifique de sobriété et l’ensemble composé avec un sens de l’économie extraordinaire renvoyant à l’extrême modestie et au dévouement héroïque du personnage. Une telle coïncidence entre le fond et la forme est souvent difficile à atteindre. Ici, la voix de Turner, le texte et la simplicité de l’accompagnement font écho à l’infinie nostalgie que renvoient les images d’archives, elles-mêmes sublimes, à la tristesse sourde de ces types dont on ignorera à jamais les noms. La France avait découvert il y a quelques années un chanteur du nom de Cascadeur qui avait un temps communiqué en reprenant les attributs et l’anonymat de son personnage. Mais Dick Turner le fait, sur trois minutes et trente secondes, sans aucune volonté de mettre en scène la dramaturgie du métier, en le vidant des attributs du spectacle. Turner renvoie avec cette chanson aux portraits incroyables d’outsiders qu’on avait croisés en boxe (du Morrissey de Boxers, même figure, même sens de la défaite, au Homeboy de Mickey Rourke) ou au catch (Rourke encore avec The Wrestler). Stuntman a l’intensité et la justesse du Courage des Oiseaux de Dominique A, cette légèreté manifeste et sublime des losers magnifiques. Le parallèle entre le cascadeur et l’artiste est évidemment à filer si on le souhaite.

Dick Turner a fait et fera sûrement dans le futur d’autres chansons magnifiques, mais celle-ci sera difficile à égaler.

Crédit photo : capture d’écran du documentaire Thierry Hallard, profession cascadeur (archives audiovisuelles belges).

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