Alors que le retour de Donald au pays du Mickey nous promet du sang et des larmes, ailleurs dans le monde, on refuse l’évidence parce qu’il faut garder la foi pour activer nos forces motrices, pour tenir debout et avancer. La preuve en est que nos héros sont immortels (The Cure, Tarwater, System Officer), quand l’avant-garde poursuit son avancée avec bravoure et que les forces du cœur marchent en rang serré, avec détermination, dans la brume automnale. En espérant que cette 5éme édition digitale d’In The Trip vous aide à aborder ce nouvel hiver crépusculaire avec conviction et détermination.
01 – W. H. Lung – Bloom and Fade
S’ils ont opté pour un patronyme peu seyant à l’oreille (en référence à un supermarché chinois), mauvais sang ne saurait mentir : W. H. Lung vient de Manchester et bénéficie de l’accompagnement du label Melodic. Ce qui devrait suffire à susciter l’intérêt pour ce quintet pour qui aime les rythmes frénétiques et les mélodies pop élevées aux narcotiques.
02 – IST IST – The Kiss
Manchester encore et toujours. Au rythme d’un album par an, IST IST sort déjà un nouvel album, entre deux enregistrements live. Celui-ci n’est pas mieux, mais pas moins bien que ces prédécesseurs : les compositions arborent l’étendard post-punk avec un air bravache et toisent de haut le Turn On The Bright Lights d’Interpol.
03 – Black Doldrums – Painting Smiles
En appliquant la production issue de ses primes influences noisy-psychédéliques (The Spacemen 3) à ses appétences post-punk (l’ombre tutélaire et omniprésente de Joy Division), les anglais de Black Doldrums réalisent un bel équilibre de style évitant l’écueil de la grandiloquence et de la posture factice. Cet extrait de leur 4éme album sur Fuzz Club somme comme un classique qui reste en tête.
04 – Porches – Sally
Au fil des albums, Aaron Maine habite de plus en plus son projet Porches, devenu au fil du temps son projet solo. S’il poursuit sa mue physique (maquillage, tatouage et percing compris), son 6éme album studio est lui-même transgenre. Comme cette déroutante complainte qui croise une guitare grunge, une batterie surpuissante et un chant queer comme chez son compatriote Gus Dapperton.
05 – Tarwater – Trapdoor Spider
Après les petites fourmis de All Of The Ants Left Paris, le bestiaire de Tarwater accueille désormais une malicieuse araignée. Entre temps, Bernd Jestram et Ronald Lippok ont continué sporadiquement leur parcours commun commencé en 1995. Après tant d’années, la parution de Nuts of Ay sur Morr Music est une miraculeuse résurrection alliant l’électro de toujours et une once de jazz bleuté sur lequel le phrasé parlé flotte intemporellement.
06 – Tibursky – When She Comes Around
C’est marrant ces artistes qui sortent d’ici ou là (en l’occurrence, Berlin) et qui se contrefichent des modes et de l’air du temps. Tibursky œuvre dans le même sillon que Richard (soupe) Hawley mais la parenté remonte à bien plus loin (The Blue Nile, The Apartments, Prefab Sprout). La ritournelle est bien troussée, et la voix de gorge fait le reste pour transcender le classicisme de la forme en mélancolie confortable.
07 – System Officer – My Keep
On passe de Lyon à Villeurbanne ou de Strasbourg à Schiltigheim comme de Pinback et System Officer. C’est presque pareil mais pas tout à fait. Initialement pensé comme un projet solo, Armistead Burwell Smith IV a réuni pour ce second album après 15 ans de silence, ceux qui constituaient le back-backing de ses divers autres projets. Donc c’est comme du Pinback sans Rob Crow, c’est-à-dire un peu plus léger et insouciant. Toujours sautillant et alambiqué.
08 – Jaguar Sun x LÜCY – Nothing ever stops me
Un jour, c’est obligé, Jaguar Sun finira par faire un morceau trop simpliste, trop convenu. Mais pour l’heure, le Canadien stakhanoviste parvient encore à surprendre. Sur cet énième single digital, il avance discrètement derrière la voix ingénue de l’inconnue LUCY avant de catapulter sa mélodie dans un lointain vaporeux.
09 – The Haunted Youth – Into You
Si l’intro peut faire penser pendant 20 secondes à un morceau de Kiss Me Kiss Me Kiss Me, la ressemblance avec The Cure s’arrête à cette ligne de synthé pleurnichard, tant The Haunted Youth laisse ses compositions prendre l’air frais. Auteur d’un épatant premier album (2022), le belge Joachim Liebens est embarqué dans une tournée marathon et il tarde à donner une suite à donner à ce single printanier porté par un incroyable solo de guitare pas ringard.
10 – Current Joys – Tormenta
Après le très bon Voyager (2021), Current Joys a fauté par excès d’expérimentalisme sur Love + Pop (2023). Heureusement, avec Nick Rattigan, le désamour n’a pas l’opportunité de s’installer bien longtemps. Le revoilà donc avec un 7éme album sur lequel les guitares bravaches de slacker et les ruades rythmiques (l’axe Sebadoh / Pavement) ne prennent pas le dessus sur ses mélodies d’écorché vif.
11 – The Cure – All I Ever Am
Nul ne pourrait imaginer que le nouvel album des héros de notre jeunesse passe ici sous silence. Si certains se croient habilités à commenter cet album si longtemps attendu et investis d’une mission divine de prédicateur pour identifier le génie dans leur discographie pléthorique, l’essentiel est ailleurs : The Cure existe toujours et on chialera à chaudes larmes le jour où Robert Smith rangera définitivement sa guitare.
12 – Nous étions une armée – Rendez-Vous
Le nom du groupe en forme de manifeste pourrait sonner prétentieux et le parti pris musical (voix parlée, minimalisme de l’instrumentation) relève de la posture emphatique. De fait, il a fallu longtemps tourner autour du duo, avec circonspection. Et à défaut d’avoir réussi à trancher entre le fond du talweg (Fauve ?) ou la ligne de crête qui conduit de Diabologum et Mendelson à novö et Zéro Degré, on doit savoir reconnaitre la puissance émotionnelle de cette chanson faite avec pas grand-chose mais beaucoup de sensibilité.
Écouter aussi :
In the Trip #4
In the Trip #3
In the Trip #2
In the Trip #1