Il y a la France des terroirs, la France des fromages, toutes sortes de France insignifiantes ou exubérantes, gonflantes ou exaltantes ; et puis il y a la France du rock. Souvent décriée, moquée, raillée quand on la compare aux anglais et américains, mais pas plus mauvaise que n’importe quel autre de nos voisins de chez lesquels n’émergent pas plus de scènes internationales durables. Alors chacun dans son coin fait au mieux, le plus sincèrement et justement possible. Insuffisant sans doute pour faire chavirer les cœurs de Rolling Stone ou de Pitchfork, mais quelle importance au fond ? Nous on est là, ni à Londres ou Chicago et à part quelques trop rares tournées hexagonales, personne ne vient à la rencontre du public de cette France-là. Alors la question n’est pas de s’en contenter, comme si c’était par défaut, mais bien de profiter de tous ces groupes qui nous ressemblent et s’adressent avant tout à nous, à ce public rock de France, sans l’Île bien souvent, celui des petites salles et des bars, des assos et des mini-tournées à l’arrache, des premières parties inespérées et des soirées entre potes bien plus longues et riches qu’un simple set de 90 minutes.
Zato fait partie de ceux-là. Auteurs en fin d’année dernière d’un élégant album, Broken Faces (accolé à sa version live dans un double CD tout en tension), le duo guitare / violon devenu l’an passé trio avec l’arrivée d’un batteur sort en ce début de printemps une nouvelle version à la dynamique renforcée d’un titre plus ancien, Promised, qui nous rappelle à quel point on aime ce rock des régions, celui de gens simples qui n’ont d’autres ambitions que de faire vivre leur musique en partageant cette passion viscérale : 300 concerts annoncés en 15 années d’existence et un savoir-faire indéniable forgés sur les routes de Bourgogne et d’ailleurs. Pas étonnant alors que la vidéo signée Benjamin Chagneux nous montre Alex Cordet et Céline Rigaux dans leur élément de prédilection, le direct.
Découverte grâce au morceau Quarterback, quelque peu éclipsé par la pure merveille Haunted Head d’Ossayol, compagnons de split single, de label et de route, la musique de Zato évolue dans un univers à la fois puissant et intime où aux moments d’introspection succèdent ceux où la tension électrique atteint un paroxysme enragé. Forcément, l’omniprésence du violon renvoie aux univers torturés de Godspeed You ! Black Emperor et plus encore à celui d’A Silver Mt Zion d’autant que la voix, puissante et possédée d’Alex Cordet ne va pas sans rappeler celle d’Efrim Menuck. Et comme chez les canadiens, rentrer dans cet univers demande des efforts ; l’accueil est chaleureux mais l’ambiance peut dérouter. L’univers de Zato est volontiers sombre, brut, souvent au bord de la rupture. Les morceaux s’imprègnent d’une électricité rageuse tandis que le violon, tel celui du maestro Warren Ellis, joue sa partition schizophrénique, capable de nous entrainer dans le tourbillon de sa folie grinçante puis de nous apaiser de ses douces mélopées.
Le rock d’ici de Zato a rien à envier au rock d’ailleurs. Exprimant en live un savoir-faire évident, il ne bénéficie juste pas de la même échelle que ses cousins anglo-saxons : réseaux, labels, tourneurs, public, tout est plus petit ici. Mais cette musique n’en demeure pas moins sincère et captivante.