Blondshell de Blondshell est la meilleure chose qui soit arrivée au rock alternatif américain féminin depuis… Veruca Salt et les Breeders. On y va sans aucun doute un peu fort mais il se dégage une telle évidence, une telle radicalité sonique et sincérité agressive dans le travail de la jeune Sabrina Teitelbaum aka Blondshell qu’on ne peut que s’enthousiasmer et constater que son premier album, sorti ces jours-ci, est le plus explosif et le plus chouette des disques de rock à guitares supersoniques qu’on a croisé depuis une petite éternité. La jeune femme s’était signalée il y a quelques années sous le patronyme de BAUM avec l’horripilante rengaine entêtante et pop Fuckboy qu’on ne résiste pas à l’idée de vous remettre en tête pour les deux ou trois prochains jours !
BAUM est devenue Blondshell pour le meilleur. Des neuf morceaux de Blondshell, on en connaissait déjà plus des deux tiers mais on ne s’était pas rendu compte qu’ainsi mis bout à bout, et rassemblés en un premier LP bref et concis, ils constitueraient une aussi belle déclaration d’intention. A l’incendiaire Veronica Mars qui ouvre le bal sur une furie furieuse et magnifique référence à la série californienne qui rappelle tant l’univers de Bret Easton Ellis répond un Kiss City au ralenti, en forme de vraie fausse chanson romantique, pas si innocente que ça, et qui balade dans un final désarticulé et pétri d’échos et de distorsion, une sorte de malaise sentimental qu’on imagine né d’un âge adulte qui aurait pris l’intéressée par surprise.
Kiss (kiss) city (city)
Just look me in the eye I’m about to finish Kiss (kiss) city (city) I think my kink is when you tell me that you think I’m pretty Did you expect something different? I bet she talks dirty, like she’s on a mission Momma, I’m adjacent to a lot of loveLa musique de Blondshell, dont la voix est à la fois douce, angélique mais comme fêlée et fissurée sur les bords, évolue parfois à la limite du bon goût et du mainstream. Sur Olympus, on pense parfois au pire du rock college, parfois au meilleur de Fiona Apple. Les riffs de guitare viennent sauver une chanson qui basculerait sinon dans le banal et transforment la conformité en étrangeté. Salad démarre comme un morceau des Cranberries avant de verser dans le sordide et la frustation électrique. Une mère fantasme le meurtre du violeur de sa fille dans un long pamphlet énoncé en monologue interne qui la conduit vers le chemin de la violence. Le mouvement du morceau est impeccable, accompagnant dans un crescendo savoureux la progression de la pensée criminelle et la lutte de l’intéressée contre ses pulsions coupables. Le texte est cru, direct et suffisamment habile pour que la chanteuse n’encourage à rien de répréhensible. Sepsis, sur un procédé similaire, décrit le retour d’une fille maltraitée vers un amour toxique. Bombshell chante de façon quasi documentaire, très simple et frontale, les ambiguïtés de la narratrice tandis que la musique suggère, par son rock balancé et chaloupé, l’hésitation du cœur et de la raison. On pense à Liz Phair pour le contenu intime et ultra féminin, mais aussi la capacité à ne pas éviter les sujets qui fâchent. Les arrangements sont assez attendus mais efficaces et prennent soin de toujours laisser une large place à la mélodie.
Bombshell utilise à la perfection les codes du rock féminin alternatif pour pousser le joli et presque folk Joiner. La voix monte dans les aigus pour apporter une touche de fragilité, tandis que les guitares la recouvrent aussitôt en guise de protection. La recette est simple mais efficace faite de sincérité, de vigueur et d’une immédiateté dans les livraisons qui empêche à l’auditeur de se montrer trop difficile.
On peut bien entendu s’arrêter aux limites de l’exercice et considérer tout cela comme très facile et déjà entendu un bon nombre de fois, mais Blondshell est l’expression contemporaine presque pure et parfaite de ce genre si précieux et si rare de la fille qui chante, féminine, moderne, rêveuse, colérique et abusée, qui concentre sur elle tout ce qu’on ne trouvera pas chez, au hasard, Lana Del Rey.