Le single éclaireur de l’album à venir d’Editors, Violence, s’appelle Magazine et a été mis en ligne il y a quelques jours, agrémenté d’un clip réalisé par Rahi Rezvani, un collaborateur régulier du groupe. Si le titre évoquait (isolément) un retour aux ambiances crépusculaires qui avaient fait du groupe l’un des espoirs (déçus, disons le, après le 3ème album) du revival post-punk dépressif, Magazine vient corriger le propos immédiatement et témoigne d’une nouvelle orientation plus que surprenante de Tom Smith et sa bande : la pop. Pire que pop, Magazine est une machine à danser tout à fait singulière où l’on croise des rythmiques dignes des Pet Shop Boys ou de notre chouchou ambigu (et porté disparu), Diamond Rings. La dimension rock ramène toutefois le morceau en terre organique, vrai/faux U2 ou avatar archaïque des mancuniens post-précieux de White Lies, Editors semble s’engager ici dans une nouvelle voie, toujours plus loin et toujours plus près des musiques populaires et des scies FM.
Editors, plutôt interlopes qu’Interpol donc et qui remuent du popotin à l’image de leur chanteur superbement corseté dans un costume de haute facture, et qui s’essaie à une série de mouvements (parler de chorégraphie serait un peu trop fort) plus ou moins adroits. Qui l’eut cru ? Le résultat est plutôt bienvenu, même si le groupe évolue désormais dans un entre-pop aux sonorités faciles et naturellement ultra-séduisantes. La voix de Tom Smith garde sa tenue, sa classe. Les guitares perdent du terrain pour un crescendo instrumental relativement indistinct qui souligne, en deux temps, ce qui relève du refrain et ce qui relève du couplet. On n’avait pas aimé In Dream et on ne sait pas trop à ce stade ce qu’il faut attendre de Violence, mais l’idée de voir le groupe aller remuer le fantôme de Depeche Mode n’est pas si sotte et ne manque pas de piquant.
L’album qui comprendra 9 titres est produit par le groupe et par Leo Abrahams, producteur des Wild Beasts et de Florence & The Machine. Faut-il y voir un signe ? Le texte est gentiment hermétique, renvoyant (sûrement) à une vision du pouvoir comme domination et agent de corruption. Le refrain sonne bien : « Now talk the loudest with a clenched fist/ Top of a hit list, got a witness/ It takes a fat lip to run a tight ship/ Just talk the loudest with a clenched fist. » Il faut paraître et faire du bruit pour être craint. Il faut s’imposer et mordre pour survivre.
Sur le souvenir de leurs premiers essais, quelque chose nous empêche de laisser tomber l’idée selon laquelle Editors aurait définitivement rejoint le côté obscur de la Force. Violence est probablement la dernière chance qu’on leur laisse de renouer avec nous. La couverture choc de l’album laisse cette même impression : est-ce réel ou pour du beurre ? Faut-il y croire quand on n’y croit plus ?