Death Cab for Cutie / Thank You for Today
[Atlantic Records]

L’écologie peut bien se retrouver brocardée par les institutions, le peuple universel revendiquer un ras-le-bol étouffé, le gouvernement se foutre de nos gueules, cela ne modifiera en rien, mais alors absolument en rien, la trajectoire de Death Cab for Cutie. Groupe dans une petite bulle joliment indie-pop, isolé du monde, réfractaire à rien de particulier, Death Cab, au bout de neuf albums, n’a guère changé d’un iota. Chez d’autres, ce serait exaspérant. Pas chez eux…

Avec Thank You for Today, l’auditeur est en terrain acquis, validé, sans filoutage : les Américains, sourds face aux nouvelles tendances musicales comme à la torpeur générale qui ankylose un grand nombre de groupes indé, récitent leurs bréviaires mélancoliques ados. Comme si de rien n’était. Comme si l’année 94, c’était aujourd’hui et maintenant. À ce stade, il serait tentant de fustiger une formation hypnotisée par son nombril. Ce serait néanmoins oublier un point essentiel : Death Cab for Cutie est le groupe le plus sympathique, honnête et intègre de sa génération – depuis maintenant… vingt ans ?

Ben Gibbard s’accroche à une certaine idée de la pop indépendante (comme hier Felt ou les Pet Shop Boys) : l’aveu romantique, la naïveté blessée, l’ironie douce. Sans le moindre cynisme. Voire même : avec une mine tellement défaite qu’elle dépeint de plus en plus sur les subtiles architectures sonores du groupe. L’auditeur, qui n’a plus vingt ans et se méfie dorénavant du spleen pop, devrait logiquement se sentir hermétique devant les chansons That Joke isn’t Funny Anymore de Death Cab, mais non : un brin de nostalgie 80’s ? Admettons. Ou bien : de nos jours, dans la pop comme dans le rock, s’affirmer soi-même, sans crainte, sans tromperie, devient tellement rare qu’en cette rentrée 2018, en effet, un nouvel album de Death Cab for Cutie procure une forme obsolète de bien-être.