Des notes de pianos qui s’égrènent, tandis que le chant posé et assuré de ceux qui ont suffisamment vécu pour avoir des certitudes gonfle jusqu’à affirmer clairement : « I am free ». Ainsi s’ouvre le troisième album de Douglas Dare. Aussi doux et délicat soit cette composition acoustique, cela résonne comme un cri, comme un manifeste qu’une basse électronique fait bourdonner au final.
Nul doute que l’Anglais a opéré sa mue et que si à ses débuts (Whelm – Erased Tapes – 2014), il se présentait comme une alternative à Nils Frahm ou Ólafur Arnalds, le chemin parcouru depuis est immense. Il s’est progressivement affirmé, dévoilé de plus en plus, jusqu’à se présenter maintenant en éphèbe grec, développant son aspect androgyne et son goût pour les mises en scène. Le chant désormais supplante le piano – qui ne disparaît pas pour autant et reste l’un de ses instruments de prédilection, même s’il a beaucoup utilisé une autoharpe sur cet album. Les mots se font forts. Sur Milkteeth, cette extraversion arrive à son paroxysme avec Silly Games. Les doutes ont laissé place à une certaine assurance – car il en faut pour tenir un morceau guitare-voix comme celui-ci.
Le Londonien démontre même sur Wherever You Are ses capacités techniques : le chant, la partie de guitare – un instrument qu’il utilise pourtant lui-même pour la première fois sur un album. Aussi riche et ambitieuse soit-elle, l’instrumentation est toujours au service de la puissance poétique des textes qui subliment ses souvenirs de jeunesse. Il s’est toujours senti différent et le revendique à l’âge adulte. Lorsqu’il monte le tempo le temps de The Joy In Sarah’s Eyes le résultat n’est pas loin de Kevin Morby lorsque celui-ci se livre en fin de soirée sur une valse triste, alors que The Playground pourrait évoquer un exercice de Queen en quête d’ascétisme (!) – fort heureusement la montée extatique chasse ce fantôme encombrant. Milkteeh compte aussi quelques courtes plages instrumentales qui pourraient diluer le propos. Mais ces respirations se révèlent fort utiles pour relâcher sporadiquement la tension qui se dégage de cet album exigeant.