En juin dernier, au Supersonic (pour la Release Party d’Eskimo), Josépha Mougenot (alias Fantôme) laissait planer ses chansons étranges, à la limite de l’intemporel, tout en sobriété musicale mais parfaite érudition mélomane. La compositrice semblait venir d’ailleurs : non pas d’une autre planète mais d’une époque révolue. Nabie, premier album de Fantôme, confirme cette évanescence, ce refus d’appartenir au temps présent.
Jonglant entre piano et harpes, Nabie est un disque romantique qui évoquerait le White Chalk de PJ Harvey joué au bord d’une falaise irlandaise, en plein XIXème siècle. La voix elle-même se détache de toute contingence contemporaine : elle survole des compositions minimalistes, dans un brouillard gothique qui donne à l’auditeur une vaste latitude interprétative. Les mots se déchiffrent, se devinent, se défilent. Pudeur ? Parlons plutôt de sonorités vocales. Josépha utilise le chant telle une partition ; et chaque intonation, loin d’offrir un contexte autobiographique ou littéraire, brouille le sens général. Car l’idée consiste à jouer sur les contrastes et les couleurs, la présence / absence de la musicienne, le susurrement et l’explosion du moi. Nabie passe sans se retourner, sans que l’on sache vraiment s’il tient de l’effroi ou de la plénitude.
Cette impossibilité à pleinement trouver place dans un disque aux images absentes (il pourrait s’agir d’une bande originale pour une adaptation d’un poème de Lord Byron) crée un étrange malaise. À soi de choisir si les titres de Nabie convoquent l’havre de paix ou bien s’ils malmènent des restes d’idéalisme, s’ils se protègent dans un songe lointain ou, insidieusement, se calquent sur les peurs et les espoirs de maintenant.
La release party de Fantôme aura lieu jeudi 06 octobre à l’Espace B avec Eskimo et Cheval Blanc.