Un canasson, des santiags, un chapeau qui ressemble à un Stetson et bien évidemment une guitare électro-acoustique jouée avec bottleneck et slide. Nul doute que les quatre de Holy Motors prennent la pose comme de vrais cowboys, mais à moins que Tallinn, la capitale de l’Estonie, soit le nouveau far-west du XXème siècle, tout ceci ne relève que du fantasme. Fans de westerns et fascinés par toute l’imagerie savamment magnifiée par les studios de cinéma d’Hollywood, ils inventent leur bande-son en mélangeant ce qu’ils pensent être la quintessence du rockabilly, du rock des années 60’s incarné par Buddy Holly et de l’americana tel qu’édicté par le maître Johnny Cash. Sauf qu’eux sont bien des enfants des années 2000 alors ils voient tout ça à travers le prisme des groupes des années 90, que ce soit Mazzy Star ou Elysian Fields – deux références incontournables, du fait de l’omniprésence de la chanteuse Eliann Tulve dont la voix voilée et profonde interpelle les mâles avec l’assurance dont font preuve les chanteuses de saloon se balançant sensuellement dans leurs robes fourreaux brillantes.
Cette appropriation de codes perçus à distance et brouillés par leur propre culture produit le même effet que si Marty McFly plutôt que de prendre place à bord de sa Delorean dans Retour Vers Le Futur faisait le voyage spatio-temporel à travers une tablette numérique. Il y a un truc qui cloche, tous les éléments sont bien présents mais déphasés. Ils sont partis à cheval mais se retrouvent plongés dans la circulation de Brooklyn. Plus d’une fois, le tempo semble trop rapide, la rythmique est trop appuyée et les guitares font une embardée, ou tout au contraire la mélodie s’étire paresseusement. Voilà très certainement pourquoi ces compositions façonnées par la production de Carson Cox (Merchandise) – comme Slow Sundown (2018) paru également sur Wharf Cat Records – parviennent à faire le grand écart entre passéisme désuet et relecture contemporaine.
Oh oui, à coup sûr, Horse pourrait servir de bande-son à un film qui se déroulerait dans de vastes étendues désertiques, aux journées écrasées par la lumière et la chaleur, et aux nuits glaciales propices à regarder filer les étoiles. On n’a pas de doute sur la localisation. En revanche, on est bien incapables d’imaginer la temporalité de l’action…