Imaginez quelque chose comme la rencontre des qualités de mélodiste de Paul Simon ou Jonathan Richman et d’observation d’un Bruce Springsteen ou d’un petit Dylan. Imaginez la rencontre d’un type qui jouerait de la guitare comme Nick Drake et chanterait, en s’accompagnant au piano à la manière de Neil Hannon, d’une voix un peu crâne mais jamais crâneuse, légère mais pas innocente, grave et en même temps féline et souple comme les blés. Imaginez un peu tout ceci, assorti d’une expérience des tournées au long cours, des grands espaces canadiens et vous aurez peut-être au final une vague idée de ce que peut donner la musique d’Andy Shauf.
Il est assez probable que la notoriété du jeune homme explosera (à l’échelle qu’on connaît, cela voudra dire des papiers dans 3 ou 4 revues que plus grand monde ne lit et des critiques élogieuses sur le net) d’ici la sortie le 20 mai de son nouvel album, The Party. Comme le précédent, le remarquable The Bearers of Bad News, qui racontait des scènes plus ou moins macabres dans une ville de paumés au milieu de l’Amérique, The Party est une sorte d’album concept qui renvoie aussi (on l’imagine) au fameux film de Blake Edwards. Les chansons qui composent ce nouvel album décrivent une fête, donnée dans une grande salle, et évoquent, en même temps que ce qui s’y passe, la vie des gens qui y sont, y dansent et interagissent. Certains dansent et attirent l’attention. D’autres draguent, s’approchent, se domestiquent. Certains parlent et d’autres non. Certains mentent et d’autres disent la vérité. L’argumentaire promotionnel n’en dit pas plus mais ceux qui ont écouté les précédents travaux de Shauf et surtout les deux ou trois morceaux échappés pour l’heure du projet savent qu’il s’agira d’un album important. Andy Shauf est plus « uptempo » que d’habitude, plus pop, grand public mais reste un parolier hors norme, habile comme pas un (disons comme deux plutôt, Springsteen et Dylan, pour les citer) pour tirer le portrait d’un personnage en quelques lignes bien senties. C’est un talent merveilleux et qui l’est encore plus quand la mélodie, la narration et le flow s’accordent pour suggérer de manière aussi vivace un univers américain aussi riche. Ecoutez et regardez The Magician qui est une chanson remarquable ou l’encore plus récent, The Worst In You, et filez donc acheter vos places pour ses deux dates françaises de mai, à Paris et Lille, ou son concert du 27 avril à Paris, où il ouvrira pour The Lumineers. Andy Shauf est vraiment le dernier titre à inviter pour une 1ère partie si on veut se faire du mal.
On peut se tromper mais on préfère dire du bien d’Andy Shauf un peu avant tout le monde, ce qui laissera aussi le temps à ceux qui ne le connaissent pas d’aller potasser du côté de son encore courte discographie. On conseillera de se procurer Darker Days qui reprend ses premiers morceaux et aussi son album de l’an dernier pour patienter. D’aucuns ont dit qu’il faisait aussi du Sufjan Stevens. C’est beaucoup moins luxuriant mais l’ambition est la même ou presque : rendre l’époque en des séquences musicales de 2 ou 3 minutes. Le vieux projet de Brian Wilson est toujours sur la table. On peut l’aborder avec plus de légèreté ou de gravité selon les disques mais il reste à peu près la seule raison de se lever le matin quand on veut chanter et qu’on a une guitare à la maison. Folk is not dead.