L.A. Salami / Dancing With Bad Grammar
[Sunday Best Recordings]

7.6 Note de l'auteur
7.6

L.A. Salami - Dancing With Bad GrammarLe morceau qui ouvre le premier album du jeune Anglais L.A. Salami (Lookman Adekunle, son prénom complet) est l’un de ces morceaux en trompe l’œil qui aident à vendre la marchandise. Going Mad As The Street Bins est probablement le morceau le plus cool et le plus efficace de cet album : une rengaine insensée et XXL servie slammée blues et portée par des guitares musclées. A la première écoute, on croit tenir là la révélation de l’année. Si le gars tient ce rythme-là sur la longueur, on aura notre phénomène de foire, notre album de l’année et tout ce qui va avec. L.A Salami, le nouveau Bob Dylan black ? Mieux que ça, la réunion (sous la forme d’un jeune rasta de 29 ans) d’un conteur folk à l’ancienne et d’un rockeur au cœur tendre. Visez le jackpot. Dylan en double et en fusion, cosmopop à l’anglaise et histoire à dormir debout : L.A a vécu avec sa mère avant d’être accueilli dans une famille d’accueil. A l’adolescence, il est devenu une sorte de clochard céleste nourri à l’hobo blues et à la country US. Première guitare à 21 ans, raconte la feuille de presse, premières compositions et puis un repérage par la marque Burberry (les fringues) qui sponsorise les jeunes talents. C’est déjà un peu moins roots mais on y est presque : L.A enchaîne les singles, les concerts et zou, nous voici au premier album. Un chef d’œuvre. Quinze chansons ou presque et une heure vingt au compteur. Roboratif. Dérivatif.

Il ne faut pas croire à ce qu’on entend au tout début. Dancing With Bad Grammar (Sunday Best Recordings) est juste un excellent album de folk blues. Salami a une voix sublime. Il faut envisager ici le mélange de Dylan (pour la capacité à raconter, à peindre l’errance d’un jeune Anglais dans un pays en crise, une sorte d’Anglicana/Americana fascinante) avec la voix d’un Ben Harper, nourrie à la soul et inspirée de soufisme. C’est à la fois beau et sec, un brin aride mais pas totalement dénué d’enluminures. Un genre en soi : inspiré et en même temps un peu rengaine au bout d’une heure. Mais il y a du talent à revendre et de quoi tenir l’année. Il y en a que le genre lui-même (à base de guitares qui sautillent ou traînaillent) emmerde résolument. Il vaut mieux passer son chemin si on ne prend pas le temps d’écouter (et de comprendre) les textes. On peut s’enivrer sur le faux rythme (le sentier de mules d’un No Hallelujahs Now, par exemple) mais aussi s’endormir sur des trucs plus tape à l’œil comme Anything’s Greener Than Burnt Grass. L.A. Salami est plus à l’aise lorsqu’il assèche le propos et se concentre sur le storytelling que lorsqu’il cabotine et tente d’élever le rythme. I Wear This Because Life is War ! sonne un peu chiqué et on croit croiser parfois la silhouette d’un Pete Doherty hippie sur certaines compositions de coin du feu.

A d’autres moments, le folk anglais est détourné pour aller communier avec ses racines afro-américaines. The City Nowadays est un étrange hybride mi-pop, mi-gospel qui révèle tout le talent et la richesse intérieure du bonhomme. L.A. Salami parvient parfois à créer un genre à lui tout seul, nous obligeant à revoir et à réapprécier nos classifications. L’ajout de quelques interludes (Papa Stokely par exemple) rejoint une tradition hip-hop sans que le bonhomme s’y engage tout à fait. L’ensemble tient de la curiosité transgenre. Il y a des titres mainstream au possible (le classieux et ultraséduisant I Cant Slow Her Down) et d’autres qui renvoient à une sécheresse originelle (les 9 minutes passionnantes et envoûtantes de Loosley On My Mind, tenues avec seulement la voix et la guitare). L.A. Salami est un joyau en devenir, probablement un avenir possible, et assez génial, pour le folk blues à l’anglaise.  Il faudra pour cela que le gaillard choisisse son camp. L’album sonne comme une carte de visite où L.A. Salami montre, sans souci véritable de concentrer le propos ou de dégager une unité, tout ce qu’il sait faire. Le spectre est large mais la porte étroite. Il va (peut-être) falloir choisir à un moment, sous peine de se disperser ou d’agacer en gaspillant toutes ces promesses.

Il faut de toute façon y aller voir. Pour ce faire une idée d’où la musique est susceptible d’aller dans un futur proche.

L.A. Salami – Day To Day (for 6 days a week)

Tracklist
01. Going Mad As The Street Bins
02. & Bird
03. No Hallelujahs Now
04. Anything’s Greener Than Burnt Grass
05. I Wear This Because Life is War !
06. The City Nowadays
07. Papa Stokely (skit)
08. I Can’t Slow Her Down
09. Looseley on My Mind
10. Why Don’t You Help Me ?
11. Day To Day (for 6 days a week)
12. Def(a)ormation Days
13. Aristotle Ponders The Sound
14. My Thoughts, They Too Will Tire
15. Petter The Monkey : The Baptism of Petter The Young
Ecouter L.A. Salami - Dancing With Bad Grammar

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