Mais où sont passés les garçons ?
A l’origine, à la parution des premiers singles en 2012-2013, il nous avait semblé comprendre qu’Arthur Beatrice était un groupe, formé par quatre virtuoses en devenir préférant s’émanciper au plus tôt pour apprendre par eux-même plutôt que de bachoter leurs leçons. Les jeunes gens avaient pour autant méticuleusement préparé leur premier album (Working Out – 2014) qui regroupait nombre de morceaux testés sur scène et publiés au fil d’une série de EPs. Il en résultait un album maîtrisé de bout en bout, au risque d’en édulcorer l’émotion.
Depuis, le groupe qui n’a pas renoncé à préserver une certaine autonomie en adossant sa structure sur laquelle parait tous ses disques à un deal avec le mastodonte Capitol / Universal Music, a semble-t-il opéré sa première mue. Non pas tant artistique (quand bien même on n’entend plus guère le chant d’Orlando Leopard), mais ouvertement stratégique (mercantile ?).
Déjà le nom du groupe prêtait à confusion, mais pour Keeping The Peace (Open Assembly), Ella Girardot avance seule sous les spotligths qui ne manqueront pas de baliser le futur de ce groupe promis à la gloire. D’ailleurs, dans la vidéo illustrant le tubesque Since We Were Kids, la demoiselle apparaît seule.
Pourtant les compositions restent le fruit d’un travail collectif et Ella déclarait encore récemment en interview pour Maze : « Je ne veux pas qu’on me perçoive comme « la fille » dans le groupe. Les autres sont mes meilleurs amis depuis dix ans, je ne vois pas la différence de genre quand je suis avec eux, je ne pense pas qu’elle soit importante, donc j’aimerais maintenir cette idée d’androgynie.«
Oui, certes. Mais alors le discours est salement brouillé et on aura vite fait de confondre Arthur Beatrice avec celle qui s’entête à emprunter la garde robe à une présentatrice de la météo de France 2 – voire France 3 Région Lorraine – et a conservé la même coupe de cheveux depuis ses années collège (attention aux pointes, il faudrait voir ça avec Jacques Dessange).
Et malgré tout, peu importe tant le talent d’Ella Girardot est éclatant et suffit à la métamorphoser en femme fatale. Dès qu’elle se met à chanter, on se laisse complètement absorber par sa voix, à la fois puissante et chargée d’une ferveur à l’intensité rare. On laisse filer la vidéo en fixant le grain de beauté sur sa joue, la petite cicatrice d’un ancien vilain piercing dans le sourcil, son front toujours froncé. On arrive même à ne plus quitter ses lèvres charnues qui rappellent une certaine Hope Sandoval (Mazzy Star). C’est dire le talent de la jeune femme.
La meilleure chanteuse de la saison ? Peut-être. En tout cas, Arthur Beatrice est plus que ça.