Résurrection ? Le mot est fort mais c’est vraiment l’impression qu’on a à l’écoute de ce nouveau, premier morceau, de Jarv Is…, le nouveau groupe de Jarvis Cocker. L’ancien leader de Pulp nous désespérait maintenant depuis plus d’une décennie entre projets arty et productions médiocres, en solo ou accompagné. Il aura fallu une invitation à un festival islandais fin 2017 puis une tournée de petites salles pour que le grand échalas reforme autour de lui un groupe digne de ce nom, constitué de rien moins que cinq personnes, pour retrouver le meilleur de lui-même. Jarv Is est signé chez Rough Trade mais reste assez mystérieux sur ses intentions. Le groupe met en avant qu’il est avant tout une expérience live, parce que c’est sur scène que la musique se fait.
En attendant, le premier single officiel du groupe est lancé, diffusé sur les plateformes et commercialisé en version physique uniquement lors des concerts de Jarv Is. La surprise, c’est surtout que le morceau, bien long comme on les aimait jadis, renoue avec le son du Pulp de l’époque 1992. Cette année-là, le groupe de Sheffield assemblait pour Fire Records un troisième album absolument remarquable, Separations, embarquant plusieurs chansons épiques, comme Countdown ou My Legendary Girlfriend. C’est dans ce registre là qu’on retrouve Jarv Is aujourd’hui, à la fois parce que le morceau a une belle amplitude mais parce que Cocker y raconte une histoire, celle de l’évolution depuis la division cellulaire jusqu’à nos jours. L’accompagnement musical marie la relative simplicité d’antan avec la prévalence du clavier (moins pétillant et virevoltant que le Farfisa de Candida Doyle) et la modernité des productions tardives, l’usage des échos et la profondeur de champ rappelant les exercices de Scott Walker sur Trees.
Le résultat est plutôt sympathique et laisse espérer un retour plus sérieux que les fois précédentes, même s’il ne faut pas se voiler la face : cette histoire de l’évolution reste à des années-lumière des textes intimes/épiques de la grande époque où Jarvis réussissait à mêler des enjeux personnels et à leur donner la forme de moments réellement historiques. Il suffit de réécouter Countdown (l’homme qui angoisse en entendant le décompte qui le mène de la naissance à la mort) pour s’en rendre compte. Ici, le propos est trop général et abstrait pour toucher et le crescendo final téléguidé. L’énergie semble de retour mais il manque à Cocker l’ingrédient essentiel de ces jeunes années : la détermination. Un comble quand on parle d’évolution…