L’idée de faire un smoothie à base de membres de Rammstein et de Prodigy ne nous avait pas vraiment effleuré l’esprit avant de retomber sur ce clip indien de Loki Lonestar. On mettrait un bras gothique, avec un oeil de punk, un pied metal et une oreille d’électro, sans oublier l’ingrédient magique qu’est l’extrait de boules de castor. On demanderait à Mike Patton, avec lequel on aurait passé la nuit (?), d’appuyer sur le bouton marche avant de devoir avaler la mixture d’une traite avec la même facilité qu’Arnold Schwarzenegger avale son jus hyperprotéiné avant sa première séance de muscu. Le cadavre de Keith Flint est à peine tiède qu’on a l’impression qu’on pourrait remonter le temps et, par une de ses bifurcations dont il a le secret, reprendre le fil d’une excitation de jeunesse qui nous avait désertée depuis. La fête au cœur du jeu et le coeur en mode battement extrême qui se met sur le sentier de la guerre et coiffe l’iroquoise pour courir dans les bois à la recherche de vers tendres à boulotter.
En attendant l’album prévu pour mars 2020, Loki Lonestar, plus connu en tant que chanteur du groupe transmetal Micropoint, nous livre avec ce clip un étonnant témoignage de son savoir-faire ancestral. Le clip, splendide, rétablit la connexion shamanique entre les forces de la nature (le Loup, le Renard et la Fougère) et l’esprit des ravers disparus. C’est en effet sur scène que cette musique transgenre prend tout son sens, entre tribalisme grand siècle et électro-gothique lourde en basses. L’ajout du torse à muscles et de la coupe fantaisie renvoie à cette idée d’un déréglement des bonnes mœurs et des sens, d’un abandon aux forces du corps et de la transe, d’un mélange-dynamite de machines, de guitares et de rythmiques démentes.
Il y a dans la musique de Loki Lonestar une rudesse et une intensité qui n’encombrent pas le marché, une sorte de premier degré salvateur qui irradie d’énergie et de force. Les chapelles s’entremêlent et les genres se fécondent mutuellement pour créer un désordre dansant et ultrastimulant, contestataire et en même temps hautement fédérateur. On peut faire semblant d’être en colère et agiter la tête. On peut aussi faire du bruit et montrer les crocs en souriant pour indiquer que le monde tel qu’il va n’est pas le bon. L’album We Are The Future nous apportera sans doute quelques réponses sur ce point précis : faut-il continuer à en être ou sortir du jeu ? C’est la question centrale posée par cette musique : en être ou non, insider/outsider et jusqu’où ? Comme disait Kylie, I Should be so Loki. Les étoiles solitaires ne le seront plus très longtemps. C’est ce qu’il faut se dire.