On avait laissé Martin Scorsese, le musicien, avec la bande son de son dernier film, le magnifique The Irishman.
Le réalisateur est de longue date un fou de musique et a livré, à travers le temps, des rockumentaires-culte depuis The Waltz (qui suivait le groupe The Band dans son supposé concert d’adieu) en 1978 jusqu’aux célèbres portraits des Rolling Stones, de Bob Dylan, de George Harrison ou encore sa série sur le blues. Entre deux films, le réalisateur a confirmé il y a quelques joirs qu’il allait bientôt s’engager sur un sujet de choix : faire le portrait du chanteur des New York Dolls, David Johansen, depuis son enfance à Staten Island jusqu’à nos jours.
A travers ce documentaire sur Johansen, Scorsese souligne au moins autant son amour pour les musiques électriques et les origines du punk que pour l’histoire de New York. En effet, impossible de ne pas voir que la vie de David Johansen (qui a du sang irlandais et… norvégien) épouse d’assez près l’histoire de la Grosse Pomme, si chère au réalisateur. Fils d’une bibliothécaire et d’un assureur, Johansen naît en 1950 et s’infiltre dans la vie culturelle new-yorkaise dès l’âge de 17 ans, date à laquelle il commence à jouer dans des groupes. Les New York Dolls prennent leur place dans le paysage local au tout début des années 70, devenant, malgré eux, une sorte de curiosité ultralocale, au même titre que le groupe Suicide, comme « faite prisonnière » par la ville elle-même. Trop new-yorkais, exubérant et mélodramatique, choquant et visionnaire, le groupe peine à élargir son horizon. Les membres eux-mêmes étaient réticents à rayonner et tarderont, pour à peu près les mêmes raisons, à enregistrer leur premier album.
Nul doute que Martin Scorsese saura servir au mieux cette histoire urbaine, culturelle et pop, cette formidable aventure qui mène Johansen, entre addictions et vie trépidante (l’homme est un playboy, marié pendant de longues années notamment à la photographe star Kate Simon), au firmament de l’univers pop naissant. On y croisera sans nul doute Malcolm Mc Laren, le manageur qui transformera le groupe par cynisme en dangereux communistes, ruinant définitivement leurs chances de succès, Morrissey en généreux bienfaiteur qui les ressuscitera, en plus de croiser certains épisodes tragiques comme la mort de Billy Murcia (le colombien fou qu’on a croisé récemment en parlant de Johnny Thunders) ou la destinée incroyable d’Arthur Killer Kane ou de Jerry Nolan. Pour ceux qui sont curieux d’en savoir plus, tous ces gens là ou presque ont leur biographie ou autobiographie dans la langue de Shakespeare. Celle de Nolan, Stranded in the Jungle, est remarquable.
La vie de Johansen après les Dolls est moins référencée mais l’homme n’a jamais cessé d’occuper une place à part, un peu culte et de plus en plus arty, dans le cœur de New York. Ses performances de crooner kitsch sous le nom de Buster Poindexter sont incroyables et permettent de faire le pont entre les différentes époques du rock US.
Ne nous emballons pas cependant : le projet n’en est, semble-t-il, qu’à ses débuts. Ni titre, ni date de sortie, ni sans doute l’embryon d’un démarrage. Il faudra sûrement quelques années avant qu’on en reparle. Scorsese a indiqué que le film serait co-réalisé avec David Tedeschi, son habituel complice pour ses escapades rock et blues.