Fews / Dog
[Hello Dog]

9.1 Note de l'auteur
9.1

Fews - DogDes quatre nouveaux morceaux qui composent ce EP des Fews, on connaissait déjà Charm et Heaven, singles assez différents sur la forme mais tous les deux tonitruants, sonores et bouleversants. Lors d’une interview donnée fin mai depuis leur capitale d’élection, Malmö, le groupe nous avait affranchi quant à la genèse de Dog, les soucis rencontrés avec le label PIAS au moment de la sortie de leur deuxième album Into Red et à la manière d’enchaîner en toute liberté et indépendance avec la mise en place de leur label Into Dog. On n’avait pas forcément prévu ainsi de reparler du EP, sorti la semaine dernière avant d’avoir réécouté une ou deux fois l’ensemble des quatre titres dans la continuité et à plein volume.

On a déjà dit tout le bien qu’on pensait de Charm et Heaven, de leur puissance dévastatrice et de leur intelligence pop. Ruler agit comme une synthèse assez parfaite des deux, mêlant une témérité dans le rock à guitares qui fait plaisir à entendre et un sens inné de la préservation du son dans le bruit, de la mélodie dans le tumulte qui rappelle les grandes années de Sonic Youth. Fews déménage, joue fort, ne s’économise pas et s’environne d’un déluge d’électricité qui n’a de rival que la vitesse à laquelle ils évoluent. A l’échelle du rock indépendant, on ne voit guère que les jeunes Pixies qui dégageaient une telle urgence et une telle envie d’arriver le plus vite possible au bout de leurs morceaux pour passer au suivant. Fews en reprend les caractères. On entre vite dans les morceaux mais on sait aussi prendre son temps et ménager une forme de suspense qui rappelle, quant à lui, les effets (un brin surjoués) du rock new-yorkais des années 90. Fews adopte les ruptures de rythme d’Interpol, les doubles accélérations de Thurston Moore ou de Johann Cruyjf. Chaque morceau qu’on passerait à l’oscillographe se traduirait par une série de courbes hallucinantes, moutonneuses et vertigineuses dessinant un paysage de montagnes et de vallons irréel. Ruler sonne à l’entame comme du Joy Division. Le chant ouvre un plateau qui semble interminable et que la batterie et la basse viennent recharcuter après quelques dizaines de seconde. Fews sonne tantôt comme un groupe de noise US, tantôt comme le futur du shoegaze britannique. Les accents punk sont évidents dans un chant laid-back et désinvolte qui fait merveille sur le remarquable dernier titre, Shake The Ear. Le groupe se fout de plaire et de respecter les structures. Le batteur martèle. Le guitariste joue sa partition et le chanteur fait ce qu’il peut. La musique de Fews est fascinante car on peut, en l’écoutant de très près, distinguer clairement ce que le rock a de miraculeux, comment en jouant chacun dans son coin on peut gravir les montagnes et se retrouver PAR MAGIE (ou à force de travail, de synchronie) à jouer en phase et à faire chanson. Dans le cas des Suédois, la manière dont les composantes accouchent du tout est fantastique et donne l’impression, à chaque fois, que l’édifice pourrait ne pas tenir alors qu’il est d’une solidité et d’une souplesse sans égales.

Il se dégage dès les premières secondes un sentiment d’unité et en même temps de désunion qui pétrifie l’auditeur et exhale une tension hors du commun. L’oreille est aux aguets, comme soumise à une violence harmonieuse à laquelle elle n’était pas préparée. On peut penser qu’on en fait beaucoup pour un jeune groupe qui n’a que deux albums derrière lui et pas encore une aura immense, mais il faut se plonger au coeur du son et de cette mécanique pour voir ce qu’elle a d’exceptionnelle. Fews n’est pas l’avenir du rock. Il est sa plus pure incarnation. Ici et maintenant.

Tracklist
01. Charm
02. Heaven
03. Ruler
04. Shake The Ear
Liens
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