Avant de lancer la première écoute de ce nouvel album de Mendelson, peut-être faut-il avoir conscience qu’il y a deux façons de l’appréhender.
La première consisterait à commencer par se renseigner sur la démarche qui a prévalu pour créer Sciences Politiques (Ici d’Ailleurs). Il faut alors écouter pourquoi Pascal Bouaziz a, plutôt que d’écrire lui-même les textes qui constituent d’accoutumée l’une des principales qualités de ses projets (que ce soit en groupe avec Mendelson, au sein du duo Bruit Noir ou encore en solo), opté pour s’inspirer « librement » de chansons écrites par d’autres, en les transposant en français et en les actualisant. On peut alors essayer de s’appliquer à reconnaitre les œuvres de Leonard Cohen, Bruce Sprinsteen, Sonic Youth, The Stooges, Marvin Gaye, PIL, Lou Reed, The Jam, Robert Wyatt, etc. Bref, autant de grands noms en matière de songwritting, dont chaque choix n’est bien évidemment pas anodin. Bouaziz est un type passionnant, il a une vraie vision et cet album est, comme toujours avec lui et ses acolytes, le fruit d’une véritable démarche artistique. Mais la vérité, c’est que passé au crible de Mendelson, on ne reconnaitra pas les morceaux originels et on se prend seulement en pleine face des textes plus « politiques » que poétiques.
Reste donc la seconde façon d’aborder ce sixième album de Mendelson en vingt ans de (non) carrière : par sa musique uniquement. Oh certes, on ne connait personne capable d’écouter ce groupe pour y trouver du (ré)confort, même parmi les plus torturés amateurs de chansons à texte. Sciences Politiques ne dépareille pas, à cet égard, de leurs précédentes œuvres. En revanche, quand bien même le traitement est radical, ces douze chansons n’en constituent pas moins une sorte de compilation. Avec ses hauts, avec ses bas. Les thèmes abordés sont sociétaux, voire géopolitiques, et la dénonciation comme la mise en perspective restent les grandes forces de Bouaziz. Mais ce qui fait tiquer ici, c’est le parti-pris musical sur certaines chansons. Les compétences des musiciens ne sauraient souffrir d’aucun doute, mais, alors qu’on saluait régulièrement leur subtilité dans l’interprétation, encore ici à l’œuvre sur le très beau Le Soulèvement, Mendelson se fait ponctuellement lourdaud. Allez, oui, la relecture de Youth Against The Fascism de Sonic Youth (baptisée La Nausée) est un brulot jouissif, mais, à côté de ça, La Carrière est quand même dispensable en faisant malencontreusement penser à la scansion hallucinée de Katherine. Oui, musicalement, c’est bien la première fois qu’à la fin de l’écoute d’un disque de Mendelson, on en viendrait à se dire qu’en matière de rock libre et passionné, Kat Onoma et Tanger étaient (dans leurs meilleures heures) plus cohérents.
Mais voilà, un disque de Mendelson, c’est un tout : une démarche, une posture, un parti pris artistique, une narration, une expérience. Sciences Politiques, peut-être encore plus que les précédents albums, nécessite une explication de texte pour être apprécié tel que le groupe l’a pensé. D’ailleurs, plutôt que de livrer un clip illustrant une de leurs compositions, comme la plupart des artistes, Pascal Bouaziz a opté pour une douzaine de vidéos intitulées Extension(s) Politique(s)… afin « d’expliquer ses choix, inspirations intellectuelles et difficultés de traduction« . Décidément, Mendelson reste une formidable singularité.