Peter Silberman, le leader du groupe américain The Antlers, est un chanteur clivant. Il y a d’un côté ceux qui considèrent sa voix comme un tue-l’amour instantané, un organe insensé, bien qu’immédiatement identifiable, et qui le rangent d’emblée parmi les freaks insupportables, quelque part entre…. Kate Bush, Farinelli et… Klaus Nomi ! Ajoutez à cela le romantisme forcené du groupe et sa propension naturelle à l’afféterie baroque et vous aurez de quoi déclencher une bonne allergie. Et puis il y a les autres, dont nous, qui tenons en très très haute estime le travail de Silberman et de son groupe depuis dix ans. Il y a ces autres, comme nous, qui chérissent leurs mauvaises copies d’In the Attic of The Universe ou d’Uprooted comme s’il s’agissait de trésors inestimables. D’Hospice à Familiars, Silberman et The Antlers (il faut insister ici sur le rôle de Darby Cicci et de Michael Lerner dans l’alchimie du groupe depuis Burst Apart) ont réalisé un quasi sans faute, livrant même, entre deux albums, des Eps de grande classe (l’impeccable Undersea).
Le 24 février, Silberman sortira son premier album solo, Impermanence (Transgressive Records), dont un deuxième morceau vient d’être livré en pâture aux oreilles (délicates et) avides. New York est une superbe chanson « à la manière de » où Silberman explore l’âme de sa ville de naissance. Accompagné par un clip en noir et blanc constitué d’images d’archives, le morceau présente l’intemporalité du lieu et essaie d’approcher, par une lente et émouvante lamentation, le rapport au temps de la ville qui ne dort jamais. La voix de Silberman, en partie « soulagée » de la présence de ses compères, y apparaît plus que jamais centrale et accompagnée seulement (et comme lors des débuts du jeune homme) par une guitare semi-acoustique. L’ambiance est parfaite, mélancolique et poétique, effleurant la surface des choses comme on imprime une pellicule. Ceux qui connaissent le travail de Silberman depuis ses débuts peuvent néanmoins s’interroger sur ce retour aux sources. Impermanence sera composé de seulement 6 morceaux. Cet album solo doit-il s’entendre comme une mise à nu alors que The Antlers avait justement réussi à amplifier son son d’origine pour lui donner un relief et une amplitude pop remarquable ? Peter Silberman vise-t-il une concentration de l’intensité émotionnelle via ce dénuement dramatique ou veut-il explorer la veine quasi opératique qu’il n’avait pu que partiellement explorer sur Familiars ?
De la réponse à ces questions, dépendra ce qu’on ira chercher dans Impermanence et de ce qu’on en pensera. Le risque avec de tels phénomènes, selon la jurisprudence Björk, est que leurs immenses qualités deviennent à force d’usage des défauts. Mais on en est pas là.