La parution d’un EP malin (This Is Not The Paradise They Told Us We Would Live In – 2017) et la diffusion du tube chewing-gum We Won’t Don’t Want It au début de l’été avaient placé SPARKLING dans le champ du radar. Mais, même s’il y avait déjà matière à susciter l’intérêt, il paraissait difficile de supputer que les 3 blancs becs seraient capables de délivrer un premier album d’une telle intensité ! Car, autant l’afficher sans ambages, I Want To See Everything transcende allégrement les espoirs placés dans le trio allemand. Combien de groupes sont capables d’engendrer autant de tubes ET de réaliser un véritable album, avec de la cohérence, une progression et sans raté ? Peu. Vraiment bien peu.
Les deux frangins Krasel et leur pote Luca Schüten sont les enfants de l’Europe moderne, celle du programme Erasmus et des accords de Schengen. Originaires de Cologne, ces jeunes garçons ont voulu tenter l’aventure à Londres, attirés par le miroir aux alouettes de la Perfide Albion. Et c’est dur au quotidien de croire qu’un jour les spotlights se poseront sur vous quand on a peine 20 ans et qu’on doit gagner sa croûte pour cohabiter à 3 dans un appartement de 12 m². On comprend qu’ils se soient jetés corps et âme dans la musique et que la cohésion du groupe semble désormais inoxydable. Aujourd’hui, ils aiment jongler entre l’Anglais, l’Allemand et le Français dans leurs chansons – pas que pour faire les fanfarons, mais pour que le propos claque, qu’il soit compréhensible, intelligible, partagé. Cette soif de découvertes (« je veux tout voir » en trois langues), cette envie du partage, cette ouverture est la meilleure chose depuis l’invention de l’esperanto pour abolir les frontières.
SPARKLING a digéré à peu près tout ce qu’il a ingurgité de la culture 2.0 (la puissance de la découverte et de la culture au bout de la souris) : que ce soit le krautrock dont les racines puisent dans leur ville d’origine (pour ce travail sur la rythmique, le phrasé, la répétition à l’effet hypnotique), le post-punk du Nord de l’Angleterre (les riffs de guitares cinglants, la raideur distanciée), la new-wave des 80’s (des trucs piqués chez le Depeche Mode de Speak & Spell) et la pop saccadée et sautillante terriblement maligne terriblement contemporaine de Foals à Hot Chip en passant par LCD Soundsystem. Indéniablement, ces trois-là sont de bons élèves. Mais surtout, ils ont un vécu personnel et des convictions qui leur permettent de transcender ce qui chez d’autres en restent à une connaissance scolaire. Les riffs de guitares déchirent l’air, le chant harangue tout en restant à bonne distance, la rythmique fourmille de chausse-trappes, les synthétiseurs, en arrière plan, appuient le propos judicieusement. SPARKLING est une machine d’« intelligent dance pop music ». Le meilleur groupe Outre-Rhin depuis The Notwist ?