Peut-être ne le clame-t-on pas assez fort, mais la pop moderne doit beaucoup aux frères Acher. Que ce soit avec leur projet The Notwist ou leurs multiples projets parallèles, leurs implications au chevet de la musique des autres, en tant que producteur ou de label (Alien Transistor). Alors, oui, tout n’est pas indispensable ni passionnant dans la discographie des frangins allemands. Parfois, on apprécie plus leur savoir-faire et on loue les bonnes intentions plus que le génie absolu – c’est le risque quand on est aussi prolifiques. Mais leur parcours est émaillé de chefs-d’œuvre.
Ce nouvel album de Ms. John Soda, le duo que forme Micha Acher avec Stefanie Boehm, ne sera pas compté parmi ceux-là.
Neuf ans après leur dernière saillie (Notes And The Like – Morr Music – 2006), les deux amis reviennent en effet avec un album qui laisse sur sa faim. Étonnante sensation générale, alors que chaque morceau n’est pas dépourvu de qualités intrinsèques, voire même recèle de petits trésors mélodiques. Mais c’est à croire que la gestation de cet album fut longue et intermittente au point de perdre en fraicheur et spontanéité. Loom avance timidement, sur la pointe des pieds. C’est joli, mais les deux premières chansons s’arrêtent à mi-chemin. Il faut ainsi attendre la moitié du troisième morceau, Millions, pour que l’on relève le nez à la faveur d’une rythmique qui se met à crépiter. La participation dans ce registre de Cico Beck (Aloa Input) y est pour beaucoup. Mais malgré cela le ton reste feutré, un peu trop retenu pour captiver l’auditeur. Il faut poursuivre, persister et de nombreuses écoutes pour laisser le temps à Ms. John Soda d’installer son univers. Or le temps, c’est bien ce qui manque dans la frénésie actuelle. Alors, pour ceux qui seront trop pressés et qui risqueraient de passer à côté de cet album délicat, racé, long en bouche, on conseillera de commencer l’écoute au-delà de la première moitié des titres (la face B avant la A donc). Car la grande affaire de ce petit disque, c’est Hi Fool qui colle un bourdon monstre quand on ne s’y attend pas avec sa structure tortueuse mettant en valeur une envolée de violons et une pluie de notes cristallines. Les paroles de l’Allemande restent alors en apesanteur lorsque tout est dit et que les instruments remplacent les gestes qu’on ne voit pas. Micha Acher et Stefanie Boehm n’ont probablement jamais écrit ensemble meilleure chanson. S’ensuivent un tube de poche (Sirens), une bulle doucereuse qui convoque le fantôme à Trish Keenan de Broadcast (Name It), un mantra typiquement « notwistien » (Oh Seven) et enfin une bluette acoustique (Fall Away). Il convient alors de se replonger dans les arrangements millésimés que l’on n’avait négligé en ouverture sur In Your Arm, les jolies notes cuivrées de Sodawaltz et les détails qui foisonnent très discrètement en face A, bien servies par une production élégante et fine.
Si ce n’était le pedigree des musiciens, on se serait contenter d’un avis lapidaire à propos de Loom. Alors que derrière une façade monotone et sans éclat se cache un nid douillet.