Si on regarde en arrière, à l’orée des années 2000, l’association d’un activiste hip hop français avec un de ses confrères américain relevait du miracle, de l’inédit ou au mieux de l’occasionnel. Vingt ans plus tard, ce format est devenu commun tant les collaborations se sont simplifiées et donc multipliées au niveau mondial (on peut dire merci internet !). C’est dans ce contexte que Spoda x Whip viennent dispenser leur savoir-faire américano-français sans jamais oublier de brandir The Whip Up.
Pour bien débuter leur recette commune, des effluves soulful s’échappent. Le minimalisme et la lenteur des beats de Change et I Could Talk tranche avec le flow froid et énergique de Spoda. Ce démarrage installe une certaine quiétude auditive qui ne demande qu’à prendre ses quartiers plus amplement.
Toutefois l’atmosphère se tend soudainement In The Kitchen. Nul besoin de coups de poignet à force d’ustensiles de cuisine ou plus simplement de Philippe Etchebest (ça marche aussi avec Gordon Ramsay) pour faire monter la sauce. Les productions de Whip, à elles seules, font le boulot pour ajouter un zeste de rudesse qui s’agglomère irrémédiablement au débit de Mr. Dope Flow. Rien d’étonnant quand on sait que Whip s’est occupé de la mise en musique des deux projets multi-facettes (The French Revolution / Class Struggle) du collectif Alterprod sous le nom d’Alterbeats. Déjà à l’époque (2012-2013), Whip frottait ses productions à la langue de shakespeare en compagnie de la crème de l’underground hip hop US.
Pour retourner à nos moutons, la suite de The Whip Up emprunte sans cri d’orfraie les mêmes chemins alternant rap boom bap minimaliste et rap plus brut de décoffrage. La fluidité charnue des phases de Spoda se marie continuellement avec le travail de producteurs de Whip. Les vingt-sept minutes de ce projet ne connaissent aucun moment où le niveau s’abaisse. L’écoute de celui-ci défile à une vitesse supersonique et nous fait regretter qu’il ne soit pas un peu plus long.
En conclusion, les dix titres de The Whip Up s’égrènent sans temps mort avec une constance éclaboussante. Sans révolutionner le genre, Spoda x Whip délivrent un mini-album à la réalisation épaisse qui se doit d’être servi fumant.