The Embassy est un paradoxe : comment un groupe dont la musique s’adresse aux hédonistes peut-il se révéler aussi mystérieux ?
On n’a jamais vraiment réussi à savoir si le duo suédois avait un plan de carrière. En tout cas, White Lake n’est que le quatrième album depuis 2001 d’une discographie pour le moins distendue, parsemée de singles distillés comme des bouteilles jetées à la mer. Ces types sont-ils des stars en Scandinavie ou doivent-ils se résigner à avoir un boulot alimentaire ? Est-ce un groupe de clubbing ou des icônes de l’International Pop ? Des grands romantiques ou des prédateurs-séducteurs ? Fille ou garçon ? Cool et sympas ou vraiment perchés ? Pas facile de cerner la personnalité de Fredrik Lindson et Torbjörn Håkansson.
Peut-être qu’on n’a pas vraiment envie d’avoir réponse à toutes nos questions et qu’on préfère croire qu’on pourrait être potes, qu’ils ne se la pétent pas et font juste de la musique comme nous on aime parler de celle qui nous plaît. Tout parait tellement facile avec eux. Quand le label qui les hébergeait, Service, stoppa ses activités malgré un catalogue étourdissant (Jens Lekman, The Whitest Boy Alive, The Tough Alliance, The Studio, Ikons) ferma boutique, ils ont monté leur propre structure (International). Depuis, à chacune de leurs réalisations, ils diffusent des photos des paquets qu’ils emmènent à la poste pour répondre aux commandes de leurs fans. Et des fans, ils en ont à travers le monde. On essaie toujours de lire notre adresse dans le monceau de paquets qui va être expédié… Connaître la discographie de The Embassy, c’est comme pouvoir réciter dans l’ordre le catalogue Sarah Records : c’est un sésame pour initiés. Un moyen de reconnaître ses pairs.
Au-delà de ces considérations dignes d’une groupie qui finirait la soirée backstage, c’est que The Embassy, bien qu’en dehors des schémas classiques du marketing musical, réalise ce qui doit être son meilleur album à ce jour. La formule n’a pas changé et leurs compositions reprennent peu ou prou toujours le même schéma. On reconnaît même immédiatement certaines boucles de guitares entêtées (et entêtantes), des motifs de synthés et autres gimmicks comme ce soupir de jouissance sur Handshake déjà utilisés sur leurs précédentes compositions. Il leurs suffit de bien peu pour atteindre l’alchimie. Le chant feulé de Fredrik Lindson couplé à des lignes de guitares catchy et aux samples viciés de son compère fascinent comme le meilleur New Order. Rien de moins. En cas de doute, il suffira d’écouter le tube Wasted. A moins d’être adeptes des expérimentations de Pierre Boulez, d’être complètement passé à côté de la Madchester, impossible de ne pas dodeliner avec un sourire triste accroché aux lèvres. Outre ce tube aux effets à apprécier sur le long terme, le duo de Göteborg livre également d’autres chansons à l’efficacité immédiate (Sometimes, Nowhere, Bad Vibe).
Il leur aura fallu effectivement cinq ans avant de donner suite à Sweet Sensation (International – 2013), mais ces trente minutes sont tout simplement la meilleure chose qu’on pouvait attendre/entendre dans cette époque de chaos et de morosité flippée.
A2. Nowhere
A3. Handshake
A4. Sure
B1. Wasted
B2. Let’s Not
B3. Bad Vibe
B4. Sorry