Le mystérieux Chevalien est de retour et annonce un album à venir avec un clip détonnant et étonnant dont les images ont été tournées le soir de la victoire de la France en Coupe du Monde. Bleu Blanc Blood est, comme son auteur dont, rappelons-le, le patronyme est la fusion de Chevalier et d’Alien (chevalier + alien = chevalien), un morceau plus qu’étrange où le fond et la forme sont comme dissociées, ce qui produit un sentiment singulier de confusion et de pertinence déglinguée. D’un côté, le titre creuse la veine néo-gothique et dark hip-hop du rappeur dont le flow comme désarticulé reste globalement peu intelligible et, par la raison même, dérangeant et troublant. Le texte est hermétique, renvoyant à une histoire de démon, de décadence, d’images miroir et d’éclatement (social?) dont on ne parvient pas à maîtriser toutes les clés. La scansion est irrégulière et la mélodie malcommode, conférant à l’ensemble le pouvoir de déstabiliser et de mettre mal à l’aise. Le déséquilibre se dégage d’une poésie habile, élégante mais aussi insondable.
« One way ticket please : Paris – Stockholm Syndrome Like me already ?/ Congrats on your symptoms Bright dissymmetrical smile from a split jaw / Shattered reflection in the screen : broken cellphone/ Seven years of bad luck cause that shit is a mirror/ Asking for a sample ?/ Soilent Green be the flavor/ Three managers dedicated to my anger/ Always been my demon’s favorite guardian. » Mais qu’est-ce que ça veut dire au juste ? Le jeune homme en colère et à la personnalité complexe, voire clivée, fait écho à une mise en scène soignée signée Jérémie Rocques qui présente sur le même plan la liesse populaire et la menace sourde (et authentique) des débordements.
Sans qu’on soit certain qu’il y ait un lien volontaire avec les événements de mise à sac de la capitale par les Gilets Jaunes et les forces obscures associées, le clip et la musique de Bleu Blanc Blood forment une chambre d’écho mystérieuse avec l’actualité qui intrigue et poussent à réfléchir. Chevalien exprime cette même alliance d’un désir d’être ensemble et de mieux vivre et d’une colère mal disciplinée et qui conduit à l’explosion. On retire de l’écoute du morceau cette idée que Chevalien exprime, comme d’autres, quelque chose d’important mais dont la lisibilité n’est pas totale. C’est à travers la production de ce message illisible qu’on peut apprécier ce titre et se dire, comme les fois précédentes, qu’il faudra y revenir.
Quelques mois après le triomphe, le chanteur n’est pas le seul à avoir les baskets qui saignent.