Au risque d’écrire de manière sexiste, ce qui serait le comble pour un tel disque et un tel groupe, Hit Reset, le deuxième album de The Julie Ruin, est le meilleur disque de femmes ou de filles (grrr, on s’enfonce) sorti cette année. Publié chez Hardly Art, le label qui héberge aussi nos chouchous de La Luz, et relayé par PIAS, Hit Reset est une petite bombe atomique échappée de l’un des meilleurs groupes à chanteuse américain tendance punk/riot girrrls/féministe. The Julie Ruin est emmenée par la charmante et dévastatrice Kathleen Hanna dont le talent, l’énergie, l’enthousiasme et la personnalité font de ce disque l’un des plus réussis et pétillants du moment.
La jeune femme (48 ans cette année tout de même) est, pour ceux qui ne la remettent pas, l’ancienne chanteuse et leader de deux groupes (de filles) les plus importants de l’histoire du rock féminin de ces dernières années, à savoir Le Tigre et Bikini Kill. Véritable tornade, Hanna vole de ses propres ailes depuis quelques années et a mis en sommeil ses projets collectifs pour se consacrer à The Julie Ruin, d’une part, et à sa lutte acharnée contre la maladie de Lyme, d’autre part. Mariée à Adam Horovitz, l’un des Beastie Boys, Kathleen Ana bénéficie pour ce nouvel album de The Julie Ruin d’un regain de forme inespéré. Elle n’est pas guérie mais en rémission et sacrément en jambes et en voix tout au long des 13 titres de cet album. Hit Reset est un album qui dégage une force extraordinaire et qui s’appuie sur l’histoire personnelle de la jeune fille. Hanna qu’on connaissait jusqu’ici pour son engagement politique en faveur des femmes compose des morceaux qui sont directement connectés à son histoire personnelle. C’est son père, et ses amants successifs, qui en prennent ici pour leur grade, dans une série de portraits incendiaires et au vitriol qui n’épargnent personne. Alcoolique, méprisant et violent, le paternel est le premier visé. Hanna évoque comment, saoul comme un cochon il venait parfois la réveiller en pleine nuit pour l’insulter et la traiter de grosse pute. Plus loin sur l’excellent Rather Not, elle chante pince sans rire : « And if you really love me / I’d really, really rather not know.« , manière diplomatique de décourager un importun. The Julie Ruin égratigne tout le monde : les fans débiles, les faux féministes et les mecs obsédés. Elle réaffirme la place de la femme dans la société et sa capacité à décider seule de son destin (I Decide). Chaque saillie est l’occasion pour elle de clamer haut et fort ses compétences, son indépendance et son autonomie. Elle chante ainsi avec le plus grand naturel ce qui restera probablement le meilleur vers ici : »I can play electric guitar / While shaving my legs in a moving car« . Soit « je sais jouer de la guitare électrique/ En me rasant les jambes dans une bagnole lancée à toute berzingue ». On peut lire ça comme on veut, c’est le plus beau et simple manifeste féministe qu’on ait croisé depuis un bail. Les morceaux sont catchy et rentre dedans à l’instar du génial titre éponyme ou du très très chouette Hello Trust No One, notre morceau préféré ici. Les guitares du Julie Ruin virevoltent, arrachent et sautillent comme des pois sauteurs. Hanna agresse, cajole, moque et se trémousse de toute sa superbe conférant à l’ensemble une élégance et une détermination splendides. Le final, Calverton, amène une touche de tendresse bienvenue puisque la chanson est adressée directement à sa mère, la seule à échapper à la condamnation générale. Le titre, intimiste, précis et délicat, joué au piano, soit dans un dispositif très différent du reste du disque, est bouleversant et à l’image de Hit Reset, un véritable bonheur, punk et provocant jusqu’au dernier coup de cymbales. N’en jetez plus. A l’écoute de Kathleen Ana et de The Julie Ruin, on se sent une envie soudaine de devenir une femme de cette trempe. Cela ne nous arrive pas souvent en sang frais, mais c’est dit.
PS : on ne pouvait pas finir cette chronique sans rappeler la nouvelle de ce début octobre qui confirme la forme de Hanna, à savoir le retour annoncé de Le Tigre en studio, révélé lors d’une rencontre dans un magasin de disques new-yorkais. Un premier titre est attendu avant la fin de l’année.
02. I Decide
03. Be Nice
04. Rather Not
05. Planet You
06. Let Me Go
07. Mr So and So
08. Record Breaker
09. Hello Trust No One
10. I’m done
11. Roses More Than Water
12. Time Is Up
13. Calverton