2024 : Les 10 trucs qu’on voudrait ne jamais avoir écoutés cette année

Derrière chaque top, il y a dix cauchemars qui menacent de fondre sur vous et de prendre possession de votre journée en infiltrant leur mélodie incertaine et leurs arrangements atroces dans votre subconscient. Dire que chacune de ces dix chansons nous ont poursuivis serait exagéré mais il est probable (comme quand on regarde instagram trop longtemps) qu’on aurait pas perdu au change en ne les entendant jamais, en ne les écoutant pas et (bien souvent car parmi les horreurs c’est souvent l’image qui est la plus hideuse, la plus marquante) en en regardant pas le clip. Ces dix moments, ces dix chansons sont un vibrant hommage aux 1001 horreurs qu’on s’est farcies en 2024, aux dizaines de disques qu’on aura approchés de près et qui auront essayé de nous emporter au delà du goût et de la raison esthétique. Ceux qui s’étonneraient de n’y trouver que des mastodontes des musiques mainstream ne s’y tromperont pas : pour l’exercice, il est toujours plus facile de s’attaquer au gros qu’au petit. La mauvaise foi n’en est que meilleure et moins cruelle aussi. La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe, et tout et tout.

On s’est déjà exprimé longuement sur Jeff Vianney et cette version remaniée façon Opus Dei de l’Hallelujah de Leonard Cohen. A y repenser, c’était peut-être bien un test organisé par les Bâtiments de France pour tester la résistance retrouvée du bâtiment. Notre Dame a tenu mais pas nécessairement les catholiques qui se seraient en masse convertis au protestantisme à l’issue de ce concert. Le Pape François a d’ailleurs préféré les polyphonies corses à Vianney : c’est dire à quel niveau d’horreur on se situe sur l’échelle des affreux. Certains ont avancé que l’inauguration était l’une des émissions les plus réussies de Taratata depuis sa création. Mais ça ne s’arrêtera donc jamais ?

On était complètement passé à côté du « phénomène » (tout est phénomène désormais) November Ultra, jusqu’à ce qu’un ami qui ne l’est plus désormais, nous amène à écouter cette reprise de Oasis par la chanteuse hispano-portugaise de Agua Roja (on ne parle pas du tout espagnol). On appelle cela des bedroom covers et il est bien évident que cela ne devrait pas exister. November Ultra est souvent qualifiée d’Adele hexagonale par ses fans. Elle partage cette habitude de mettre du sentiment partout et d’essayer de vous faire chialer à tout propos. C’est vraiment une sale habitude. Il ne viendrait à l’idée de personne d’ESSAYER de pleurer sur Wonderwall sauf si c’est pour se lamenter sur la reformation des frères Gallagher.

On nous a dit que ce serait un peu « touchy » de mettre ça dans une sélection des pires moments musicaux de l’année. Mais à y repenser et surtout après avoir réécouté en intégralité notre best-of en 45 CDs de Léo Ferré, il nous est (ré)apparu que cette reprise de l’Affiche Rouge par Feu! Chatterton n’était peut-être pas le truc si cool et si émouvant, si juste et brillant qu’on nous a vendu à l’époque. Le texte est évidemment irréprochable (signé Aragon). Le contexte l’est encore plus puisqu’il s’agit bien de rendre hommage aux résistants FTP-Moi tombés durant l’Occupation. Mais était-ce vraiment la peine de surjouer la tristesse et le poids des mots de cette manière ? Etait-ce la peine de préférer à la théâtralité narrative d’un Léo Ferré une sorte d’affliction privée de peps et de ressort ?

Julien Doré est sûrement l’un des pires trucs arrivés à la chanson française depuis Johnny Hallyday, capable de mettre d’accord vos parents comme les bobos du boulot qui le trouvent si… cool et décalé. Son album Imposteur est une abomination qui fait plus de dégâts sur les ondes que la DZ mafia dans les Bouches du Rhône. Il fallait oser et le petit homme ose tout, dans un mélange de provocation 3.0 et d’esprit de l’époque à la dérision et à la rétrostalgie qui est tout simplement écœurant et à rebours de tout ce qui constitue l’esprit pop originel. Non, rien n’est amusant dans cette reprise de Femme Like U, magnifique standard du business man canadien-libanais K-Maro. Disparue la subtilité du chant, l’attitude de lover de Beyrouth, bonjour le 2nd degré destructeur aux dents blanches.

Tous les titres du dernier album de Coldplay pourraient prétendre à intégrer le musée des horreurs mainstream. On exagère un peu car la plupart sont devenues si académiques et si vides de sens qu’on ne les entend plus. Mais celle-ci est tellement insensée qu’on se demande comment elle est venue à l’esprit du groupe. Il s’agit de rendre hommage au personnage de Daniel interprété par Ralph Maccio dans la série de films Karaté Kid. Comme l’acteur vient jouer du piano, il ne manque vraiment que la cigogne, le Clan Cobra et Pat Morita (1932-2005, si vous vous demandez) pour que l’extase soit complète. La chanson donne lieu à ce genre de débat sur Reddit :

Quelqu’un peut-il m’expliquer le contexte de « Daniel » dans cette chanson ?

Je sais que cette chanson parle de Daniel LaRusso du film « Karaté Kid », mais je ne comprends pas le but des paroles. Par exemple, est-ce que Chris veut être « celui » pour Daniel de manière romantique, ou simplement montrer comment Chris « idolâtre » Daniel parce qu’il peut réaliser son rêve ?

Discutons-en !

Excellente question, je me suis posé la même chose. La référence à Karate Kid se trouve dans la phrase : « Oh, Daniel sait comment faire un rêve, comment réaliser un rêve. » Le nom « Daniel » semble être un clin d’œil à Daniel LaRusso, le personnage principal de Karate Kid. Dans le film, Daniel réalise son rêve de surmonter les obstacles et de devenir un champion de karaté, avec l’aide de son mentor, M. Miyagi.

Dans la chanson, cette partie semble parler de quelqu’un qui comprend comment transformer les rêves en réalité, tout comme Daniel dans le film. Son parcours est axé sur la persévérance et la croyance, malgré les difficultés, ce qui s’accorde parfaitement avec les thèmes de la chanson : l’espoir, la résilience et le dépassement des moments difficiles pour atteindre quelque chose de meilleur.

Je souhaite vraiment que cette chanson soit sortie en single. Ils devraient la passer à la radio, elle est si belle.

Discutons-en.

On ne se pardonnera jamais assez dans les quarante prochaines années de n’avoir pas… marché au phénomène Zaho de Sagazan. On a essayé mais non, on ne voit toujours par sur les Garçons :

Je suis incapable de faire un choix
Ils sont tous bien, tous un peu faits pour
N’en choisir qu’un serait un gâchis
Je les veux tous un par un dans mon lit
Je suis amoureuse de tous les garçons, et moi je
Je les trouve tous bien à leur façon
Je suis amoureuse de tous les garçons, mais moi
Je les trouve tous bien à leur façon

constitue la différence entre ce texte et… Lorie. On nous dit que sur scène et que l’Envol bien sûr… (une chanson avec une douzaine de fois le mot « hirondelle » dedans , tout de même) mais on n’y arrive vraiment pas du tout. Autant dire que le pire moment qu’on aura passé, dans la mesure où la jeune femme était absolument partout, des JO aux Victoires en passant par TOUTES les émissions existantes, s’est répété mille et une fois en 2024, avec une mention spéciale pour cette reprise ratée du Modern Love de Bowie. I try, it try, mais on va vraiment en prendre pour 40 ans de la nouvelle Barbara ?

A côté de Santa, on veut bien écouter l’intégrale de Zaho de Sagazan jusqu’à la fin de notre chimiothérapie. La chanteuse de Hyphen Hyphen est niçoise (un gage de qualité et de subtilité) et a signé en 2024 un premier album solo intitulé Recommence Moi. Ne comptez pas sur nous pour faire une blague foireuse sur ce titre. On ne voudrait pas être accusé de sexisme ou de jenesaistropquoiquisme. Bref, lorsque Santa reprend Johnny, Vivre pour Le Meilleur, on se dit que l’on est pas certain de comprendre le texte de Lionel Florence. On vit pour entendre le pire, pas le meilleur, le pire du pire du pire. Un véritable cauchemar éveillé. Sang pour Sang est un album pourtant remarquable qui nous a donné des chefs-d’œuvre intemporels comme Je t’aime comme je respire ou Le Poids de Mes Maux (Zazie). Alors pourquoi ? Fêter Noël avec une chanteuse à voix est probablement le pire truc qui puisse arriver à la planète et à des personnes normales. On n’a pas réussi à imaginer de pire truc que ça. Miss Dominique reprenant Goldman ? Yannick Noah reprenant Sardou ?

Bizarrement on a pas choisi l’extrait pour Indochine. On aurait pu car leur album… Mais non, on voulait rendre hommage à la Garde Républicaine qui avait déjà dû se produire dans une mise en scène si intéressante et novatrice, devant l’Académie Française, avec l’amie Aya Nakamura (ne soyez pas surpris, non on ne l’a pas retenue pour la sélection). La Garde Républicaine s’est aussi farcie Indochine au Stade de France. Et ce qu’on peut dire c’est que si vous êtes un groupe de rock ou de n’importe quoi, non, ce n’est pas du tout sympa d’avoir la Garde Républicaine. Est-ce que Bob Dylan joue avec la Garde Républicaine ? Est-ce que Nick Cave joue avec la Garde Républicaine ? Il prend les Bad Seeds. Neil Young a le Crazy Horse. On ne sait pas qui a ce fantasme de jouer avec cinquante mecs en tunique à épaulettes et fourragère de 1872 ? Pourquoi ces types qui sont d’excellents musiciens (la Garde, pas Indochine) ne se contentent pas de jouer Daft Punk le 14 juillet pour Emmanuel Macron et ses invités ? D’accueillir un ou deux dictateurs ? Mystère.

On espère que Gianni Nazzaro ne l’emportera pas au paradis. Ok, il est déjà mort depuis trois ans mais ça ne change rien. Cet italien, mort donc, vient juste de spolier une personne mal voyante et mal chantante de sa rente à vie en reprenant la partie d’un des plus grands chefs d’oeuvre de la variété française, On Va S’Aimer. Que Gilbert il a plagié, on y croit pas. Il pouvait pas lire les partitions et la musique circule comme un pochon de poudre à Marseille, c’est bien connu. Elle appartient à personne. Ce sont les mêmes qui accablent Gilbert (c’était en 1976, Gisèle Penicot avait 24 ans à l’époque) qui n’ont pas levé le petit doigt quand le clan Mulliez a dérobé son hit pour en faire un sinistre « On Va Fluncher« , attirant plusieurs centaines de milliers d’enfants dans leur enseigne, dont nous (plusieurs fois) pour un menu enfant et un buffet d’entrées même pas à volonté.

Un peu d’épice dans la vie. Ice Spice a la mauvaise habitude de balancer son c*l partout et même de le faire traîner dans la nourriture comme on peut le voir sur le ‘still’ de ce clip formidable. Il est possible qu’avec elle on ait passé une nouvelle étape dans l’industrie musicale. Chaque titre est une révélation sur des pratiques qui n’existent probablement pas de ce côté de l’Atlantique. On ne s’étonnera pas que ces types votent pour Donald Trump et matent ensuite des vidéos quasi porno avec de telles chanteuses. C’est pas mauvais ? Bah non, c’est même plutôt cool et bien balancé. Mais c’est pas une raison. Oh ssshhh….

Pour terminer, on voulait remercier Taratata pour la belle initiative consistant à réunir Zazie (on n’y pense pas suffisamment à Zazie) et Shaka Ponk. C’est un peu comme placer 3 « w » au scrabble sur le même mot (possible?). Zazie, oui. Shaka Ponk, non, le plus grand mauvais groupe français du monde. Le groupe s’est officiellement séparé après un dernier Accor Arena le 30 novembre. C’est au moins ça. La chanson ici est politique, engagée. Il suffirait de passer ça à l’assemblée avant le vote du budget pour que le gouvernement de François Bayrou en réchappe. Shaka Ponk soutient le Nouveau Front Populaire. Ils sont open, tolérants et idéologiquement irréprochables. « Mais qu’est-ce qu’ils chantent mal », dit notre amie Tatie Danielle. « C’est moche ». Merci pour tout. On espère être morts pour la reformation en 2032.

Bonus : Jojo Siwa. On a pris Iced coffee qui est plutôt inoffensive mais cette chanteuse a fait des prouesses cette année. Plus flippante que Smile 2 et Nosferatu. La petite fiancée de l’Amérique est une tueuse de rêveuses. Planquez les ados.

Photo : Etienne Girardet sur Unsplash