Brigid Mae Power / Head Above The Water
[Fire Records]

6 Note de l'auteur
6

Brigid Mae Power - Head Above The WaterLa présence de l’Écossais Alasdair Roberts à la production est-elle à l’origine du net élargissement de la palette sonore de l’Irlandaise folk Brigid Mae Power ? C’est la seule thèse qui permettrait d’expliquer pourquoi son troisième album, Head Above The Water, marque un tel pas en avant comparé à son précédent LP, The Two Worlds. Brigid Mae Power évoluait jusqu’ici dans un registre restreint, mais valeureux, où se côtoyaient plutôt harmonieusement des traces de folk irlandais et de pop, de blues et de musiques traditionnelles. Le nouvel album incorpore désormais des synthés, des échos rock psychédélique, voire du piano jazz sur le magnifique final et morceau éponyme, Head Above The Water. Il convoque des rythmiques plus marquées et semble parcouru par un sens aigu de la modernité qui ne nous avait pas paru évident sur les précédentes productions de la jeune femme.

Qu’on s’entende bien, Brigid Mae Power est toujours une interprète délicate et pleine de retenue. Sa voix traînante et finalement pas si fluette propulse ou maintient les morceaux dans une atmosphère rêveuse et intimiste qui fleure bon la chaleur du foyer, les valeurs traditionnelles et la douceur de vivre mais aussi l’incertitude et la volatilité des attachements et des émotions. On A City Night, à l’ouverture, est une balade aussi enchanteresse que paresseuse. Le ton est donné : la vie est une question de survie où l’on doit saisir les petits instants de bonheur et chérir les moments heureux, les réviser en mémoire et les prolonger à l’infini. On peut trouver cela infiniment rasoir ou au contraire assez fascinant sur l’impeccable Wearing Red That Eve. C’est comme si on surprenait Pénélope en train de se brosser les cheveux au coin du feu de bois. Sensuelle ou planplan, il faut choisir son camp avec Brigid Mae Power : s’enflammer ou périr.

Les textes sont soignés et bien écrits, entre descriptions de ces petits riens qui font la différence et évocation subtile des états d’âme qui en découlent.  C’est parfois très réussi et émouvant, à l’image du tendre Not Yours To Own, déclaration d’indépendance inaboutie qui révèle toutes les contradictions de la prise d’autonomie féminine. Brigid Mae Power réussit à être moderne dans une forme qui reste, malgré tout, foncièrement conservatrice. Quelques titres sont plus relevés à l’image du fringant We Weren’t Sure qui incorpore quelques sonorités world ou de la reprise épatante de The Blacksmith, la chanson d’Andy Irvine, le roi du bouzouki… irlandais. Cela n’évite pas, au fil des morceaux, un effet de répétition dangereux et un brin soporifique. « Une bonne camomille et au lit!« , c’est parfois l’impression qu’on retire à l’écoute de ces lamentations. Certains ont comparé Brigid Mae Power à Beth Orton, la tentation électro en moins. C’est une comparaison qui n’a pas beaucoup de sens musicalement mais qui, en ce qui concerne la réception que fera à l’album n’est pas impertinente : dans les deux cas, on est face à une musique clivante avec ses admirateurs et ses détracteurs. Nul et non avenu ou inspirant et planant.

Ne pas choisir son camp, comme nous, amène à une bienveillance indifférence qui ne rend sans doute pas justice à l’artiste. Brigid Mae Power démontre que toutes les formes de beauté ne sont pas intéressantes.

Tracklist

01. On A City Night
02. Wearing Red That Eve
03. Wedding Of A Friend
04. Not Yours To Own
05. I Was Named After You
06. We Weren’t Sure
07. You Have A Quiet Power
08. I Had To Keep My Circle Small
09. The Blacksmith
10. Head Above The Water

Liens
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

Plus d'articles de Benjamin Berton
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *