Et si on arrêtait d’embêter Brother James avec Sonic Youth ? Car oui, le nom du groupe provient certes de l’EP Kill Yr Idols (ça commence à se savoir) ; effectivement, les Toulonnais possèdent des plans grattes qui rappellent certains classiques de Thurston Moore; et puis même, les similitudes se dégustent jusqu’aux parties vocales… Et alors ? Brother James n’est guère le premier (et sûrement pas le dernier) à trouver sa propre identité dans les possibilités jadis offertes par Confusion is Sex ou Bad Moon Rising. D’autant que cette formation, depuis un premier album éponyme en 2014, y ajoute l’essentiel : une réappropriation, de la chair, du corps, de la sueur, une vision – et à l’heure où le rock français applique docilement les leçons d’antan, voilà qui procure un bien fou.
Beyond the Pines (rien à voir avec Ryan Gosling) confirme ce qui plaisait beaucoup, hier, chez Brother James : un aspect psychiatrique, une fougue pas très loin de la maladie mentale. Hitomi, qui ouvre la danse, est, de ce point de vue, représentatif de la méthode Brother James : une montée classe et rapide vers la camisole et l’hystérie – on ne saurait conseiller aux Pixies d’écouter ce morceau afin d’y puiser des idées neuves.
À quoi reconnait-on aujourd’hui un bon disque de rock ? À sa musique ? Non : à sa brièveté et au soin apporté à la tracklist. Court, franco, incapable d’ennuyer, Beyond the Pines agence les titres de façon hitchcockienne : quelques éclats mastodontes en ouverture, une fausse accalmie post-rock, une ballade qui n’en est pas une… De quoi tenir en haleine sans débander, et obliger ainsi l’auditeur à y revenir fissa.
Brother James n’empile jamais ses méfaits de manière déraisonnable : au contraire se prend-il la tête sur la cohésion à suivre, sans mésestimer la logique que suppose un album. Beyond the Pines n’est pas une collection de titres alignés les uns à la suite des autres, il s’agit d’un album mûrement réfléchi mais qui réfute la moindre sensation d’introspection ou d’acharnement sportif. Un disque qui coule de source.
NB : cet album est soutenu par La Cellule Records, Désertion Records, Dingleberry records and distribution et Emotionally Unstable Records.
Brother James – Beyond The Pines