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Plus la thématique est pointue et plus l’exercice est ardu. Il ne faut pas se cacher qu’autour de la question des « feux de forêt », des incendies et des pompiers, les auteurs compositeurs ont clairement privilégié depuis quatre décennies la valeur métaphorique de la chose au détriment du vrai vrai feu qui brûle et carbonise. En chansons, le feu devient souvent un sentiment qui dévore et lamine les émotions. Le pompier est un extincteur de l’amour ou un sujet de fantasme et plus rarement un type demi gaulé qui vous revend des calendriers et vient éteindre le barbecue avec sa grosse lance. Mais en cherchant un peu, on trouve et l’idée de cette playlist est tout autant de détendre l’atmosphère que de montrer que décidément, oui, l’art n’épargne aucun sujet, aucun thème, aucune métaphore. Pour l’exercice, on a évité (sauf avec Midnight Oil), les prêchi-prêcha écologistes généraux sur le sujet pour privilégier les chansons brûlantes, ardentes où les flammes crépitent pour de bon. On a fait quelques exceptions avec des morceaux presque hors sujet, sages et pop avec Lloyd Cole ou au contraire bouillants avec Madonna, parce qu’il fallait bien aussi soutenir le moral/la libido des troupes. Oui, le feu pop brûle à l’intérieur de chacun d’entre nous. Oui, il faut un Canadair entier ou du sexe à outrance pour l’éteindre ainsi en pleine saison.
Si la Teste de Buch doit tomber, elle le fera la guitare et la lance à la main !
1. Sanford Townsend Band – Smoke From A Distant Fire (1977)
C’est l’un des secrets les mieux gardés et l’un des tubes les plus méconnus de l’Amérique des années 70. John Wayne Townsend et Ed Sanford ont eu un petit succès avec ce Smoke From A Distant Fire, splendide et culte, qui renvoie à l’observation de l’avancée des flammes depuis le haut de la Dune du Pyla. Ca parle d’une rupture à venir. Il n’y a jamais de fumée sans feu. Rejaillir le feu de l’ancien volcan. Etc.
You left me here on your way to paradise
You pulled the rug right out from under my life
I know where you goin’ to I knew when you came home last night
‘Cause your eyes had a mist from the smoke of a distant fire
2. Lloyd Cole – Forest Fire (1984)
Le fan club de Lloyd Cole nous réclamait une mention depuis des mois. C’est fait avec cet extrait de Rattlesnakes (1984) dont la poésie nous paraît un peu moins heureuse aujourd’hui qu’hier. Parce que « oui, bébé, il y a un feu de forêt, à chaque fois que toi et moi on est ensemble. » Lloyd Cole y revient à chaque fin de couplet et coule la métaphore jusqu’à ce que nos réticences cèdent. L’amour, c’est comme un feu de forêt… yeah !
3. Paul Cummings – The Firefighter Song (2009)
Paul Cummings était pompier depuis une douzaine d’années quand il a composé cette chanson à la gloire de la profession. Ca a quand même une autre gueule que de tenir l’indien de YMCA par la main et ça a permis au garçon de devenir chanteur à ses heures. On conseille d’aller faire un tour sur son site et d’écouter son autre standard, Ordinary, un vrai bon morceau de blues. Respect maximum pour les soldats du feu. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour éviter le bal du 14 juillet.
4. Madonna – Burning Up (1983)
La Madonna d’avant les fausses fesses luttait avant tout contre l’incendie qui menaçait de s’échapper de sa petite culotte. Sexiste ? Pas du tout. Respecter cette Madonna naissante (le morceau est son deuxième single, juste avant l’explosion Holiday, un morceau rock qui fait figure à rebours de vraie belle curiosité dans son parcours), c’est respecter le violent désir révolutionnaire qu’elle inspire aux hommes, sa domination immédiate sur ses interlocuteurs, sa supériorité absolue sur la représentation du désir et de sa force. Si on jouait Burning Up aujourd’hui, les dégâts ne se compteraient pas seulement en milliers d’hectares.
5. Brighton – Forest Fire (2014)
Les Norvégiens de Brighton signent un titre marqué par un joli mur de son (après 3 minutes) qui relate la tragique disparition d’une jeune femme (copine du narrateur) dans un incendie de forêt. C’est pas fréquent, on ne le souhaite à personne mais ça arrive. La Norvège est l’autre pays du polar suédois après tout. Ce titre donne envie de pleurer en pensant à cette jeune fille en feu. Le clip étrangement renvoie à des paysages de neige. Là, on avoue qu’on a pas tout compris.
6. Sonic Youth – Incinerate (2006)
Le fan-club de Sonic Youth nous réclamait depuis longtemps une mention. Impossible cette fois de laisser passer : Incinerate est non seulement une SUPERBE chanson de Sonic Youth sur l’album Rather Ripped, mais une chanson qui entre parfaitement dans notre thème du jour : on y croise des lance-flammes, des pompiers, des bombes incendiaires et du feu, du feu, du feu. L’idée de faire du vélo entre les pins calcinés nous fout la frousse. On s’en souviendra en écoutant les New-Yorkais. Le feu ne laisse aucune chance.
The firefighters are so nice
I remember you so cold as ice
The flames are licking at your feet
The sirens come to put me me out of misery
You wave your torch into my eyes
Flamethrower lover burning mind
7. Midnight Oil – Beds Are Burning (1987)
On ne va pas se répéter. En 2022, Midnight Oil est toujours là pour résister. Leur hymne culte de 1987 a niqué nos vies en nous plongeant dans la conscience écologique, ce mélange d’impuissance et de culpabilité auquel on n’a pas échappé depuis. Heureusement que la Forge de Vulcain s’est remise en marche et que tout cela (le réchauffement, l’été, le bikini, etc) ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir. « Maman, j’ai fait brûler mon lit. » – Rendors toi, chéri, je changerai les draps demain.
8. James Blake et Bon Iver – I Need a Forest Fire (2016)
Frottez James Blake contre Bon Iver, approchez les d’une brindille et vous obtiendrez une belle chanson du feu de dieu, en moins de temps qu’il n’en faut pour allumer le feu sur Koh Lanta. Il y avait aussi sur l’album un duo avec Beyonce et un autre avec Frank Ocean.
9. Georges Strait – The Fireman (1984)
Celui qu’on surnomme King of Country (ne pas confondre avec Kinder Country) fête cette année ces 70 printemps. Et son jeu de guitare honky tonk n’a pas pris une foutue ride. Georges Strait repasse ses chemises western lui-même et continue de lever des fonds pour les vétérans. Le gaillard a failli être désigné Texan n°1 de l’année à plusieurs reprises. Il a perdu sa fille âgée de 13 ans dans un accident de la circulation et est le cousin éloigné de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Son 29ème album est sorti en 2019.
10. Cigarettes after Sex – I’m A Firefighter
Les anciennes générations vénéraient Prodigy et son Firestarter. Les nouvelles (et ça faisait aussi moins tâche sur cette thématique) ont Cigarettes After Sex qui chante I’m A Firefighter. C’est quand même vachement moins bien.
Baby, I’m a firefighter
Trapped in a burning house
In a silent picture
And there is no way out
Except to watch the love between us die
C’est même limite nul.
11. Jeff Bodart – Canadair (2003)
Comme il fallait s’en douter, les chansons sur les Canadairs ne sont pas nombreuses. Celle de Jeff Bodart, le chanteur Belge décédé en 2008, figure sur son album T’es Rien ou T’es Quelqu’un. La ressemblance vocale avec Miossec frappe encore aujourd’hui, mais le chanteur des Gangsters d’Amour sévissait bien avant les autres. Bonjour la poésie. Merci Jeff Bodart.
Canadair mon dernier Canadair
Bientôt j’aurai largué l’eau rance
Qui s’endort vers l’étang de Berre
Pour vivre plus de transparence
Canadair mon vieux Canadair
Ce soir nous oublierons l’eau rance
Je dessine des moutons dans l’air
Pour vivre d’autres turbulences
Canadair
Mes hélices ont vite pris la place
De tous ces petits bruits terriens
J’ai cru voir Nice et ses palaces
Les hauteurs d’Aix et puis plus rien
12. Prefab Sprout – Cornfield Ablaze (2001)
90% des incendies ont une origine humaine (10% sont d’origine extraterrestre). Et ce sont pas ces enfoirés de Prefab Sprout qui diront le contraire eux qui racontent ici l’histoire d’un pyromane qui craque une allumette et met le feu aux champs.
You took a match to my dry August days
Cornfield ablaze, cornfield ablaze
Flames licked the sky
That was some summer haze
C’est malin. C’est comme ça qu’on finit dans une salle des fêtes à manger du corned-beef alors qu’on a laissé toutes les compotes de poire dans la tente.
13. The Stone Roses – Waterfall (1995)
C’est la troisième fois qu’on sort l’argument mais c’est encore le fan-club des Stone Roses qui avait émis une réclamation. On a cédé à la pression même s’il faut bien avouer que Waterfall (chute d’eau) ne risque pas d’éteindre l’incendie. La chanson est belle, belle belle comme toutes les chansons des Stone Roses mais en mieux… Ian Brown ne parle que d’une fille qui pleure, pleure, pleure tellement qu’elle pourrait peut-être…. juste peut-être… Il faut toujours finir sur une note de désespoir.
As the miles they disappear
See land begin to clear
Free from the filth and the scum
This American satellites won
She’ll carry on through it all
She’s a waterfall