L’artiste rennais, Chasseur aka Gaël Desbois, sortira son premier album solo Crimson King en mai et cela pourrait bien être l’une des belles révélations françaises de l’année (on ne dit pas cela parce qu’il y a les Victoires de la Musiques dans quelques jours!). Membre d’un autre collectif qu’on connaît mal, Tchewsky & Wood, Desbois manie aussi bien la production, les machines le chant que la batterie qui, d’après nos informations, serait son instrument d’origine et de prédilection. Certains des textes de Chasseur ont été composées avec l’écrivain Nathalie Burel avec laquelle le bonhomme collabore de longue date (notamment pour des reportages et documentaires radiophoniques).
Par delà ces bribes biographiques, la musique de Chasseur qu’on connaît pour le moment à travers maintenant trois ou quatre morceaux est l’une des plus prometteuses d’écriture en français qu’on a croisée ces dernières années. Le mélange de pop « à la française » et d’électro est parfaitement équilibré et conjugue une densité sonore et une complexité intéressantes avec une recherche d’efficacité qui sont assez épatantes. La qualité d’écriture (le texte, le texte, toujours le texte) et le chant sont aussi de très haut niveau, ce qui donne, évidemment, un résultat bluffant.
Ce nouveau morceau, Ailleurs, confirme la tendance. C’est à la fois assez classique et sous bonne influence, entre Malon Laudanum pour le chanté-parlé et la capacité à parler près de soi, Daniel Darc pour la voix et la patine crépusculaire, mais aussi suffisamment singulier pour que cela ne sente pas le réchauffé. Le morceau est peut-être un peu long pour ce qu’il a de rythme en lui mais l’impression laissée est bien celle d’une montée/descente en eaux profondes. C’est du très bel ouvrage, soutenu par un clip élégant, ce qui ne gâte rien.
« Aller oublier au fond/ Le fracas du monde
Tous ces os dans le corps humain/ S’en aller chercher au fond/ L’absolue douceur/ Et se trouver enfin/
Je suis là mieux qu’ailleurs/ Et se trouver enfin »
La musique dit à la perfection, par sa force répétitive et hypnotique, l’ivresse des grands fonds, la perte possible et l’abandon, si bien qu’on se croit un instant à nager avec les requins et à sentir la pression de l’eau contre sa peau. Chasseur pratique le tir de précision. On espère que, sur la durée d’un album, on aura une confirmation de tout ça.