Six morceaux, c’est ce qu’il faut à Tabatha Crash pour proposer l’un des albums les plus vigoureux, colériques et puissants de ce début d’année. On ne raffole pas d’ordinaire des disques trop soniques mais Twist fait exception tant il se démarque par sa folle maîtrise, son caractère monolithique et sa richesse mélodique. L’entame Fearless emprunte une basse à Joy Division, une mélodie de chant au Pavement de Fight This Generation et aboutit à une petite pépite en quatre minutes et vingt secondes qui fait penser à la rencontre batcave entre Rage Against The Machine, Fugazi et…Sonic Youth. On ne sait jamais où situer et où attendre le groupe : parle-t-on de hardcore, de musique shoegaze avancée ou d’une version musclée d’un math rock ultraviolent et ravageur ? Difficile à dire mais l’horizon sonore ouvert à coups de riffs et d’accords en escalier est assez grandiose et témoigne de l’immense maîtrise des trois hommes.
L’association des guitares/basses Geoffrey Jégat/ Benoit Malevergne (qui chante) est ultra efficace et soutenue par une rythmique millimétrée et ultrarapide de Thierry Cotrel. Sur Fast End, le groupe serpente entre hardcore et une version lourde d’un Mogwai, dynamitée par des assauts et des ruptures violentes. Le mouvement est quasi identique sur Safe, qui suit, organisé autour de son refrain énigmatique : « I am pretty sure you gonna miss me. » La matière sonique est comme en fusion, déversée par un sentiment de détresse et d’urgence qui donne l’impression que tout ceci n’est pas fait par hasard et soutenu par une forme de nécessité impérieuse et impérative. Le jeu de guitares est de bout en bout impeccable qu’on découvre en sous-couche un motif gothique façon The Cure ou que le groupe s’engage dans un bras de fer avec lui-même sur un Mate, entamé la pop au fusil et qui dérape en une sorte de morceau alternatif des géniaux américains de Polvo. Même si ceux-ci semblent avoir de nouveau disparu depuis leur dernier album en 2013, c’est ce groupe à la fois obscur et passionnant qui s’impose comme le parrain de coeur des Français, abreuvés à la même poudrière électrique, aux mêmes arabesques et vrais faux départs.
Big Jo n’est pas loin d’être le meilleur morceau du lot. L’entame est impeccable. Le titre ne faiblit jamais et marie résonances mélodiques et volonté de faire mal. Kids n’est pas moins bon et referme ce mini LP en laissant une impression de brûlot d’une belle simplicité, intense et incandescent. Sans vouloir en faire trop, Tabatha Crash s’impose comme un GodSpeed You! Black Emperor à la française aussi clair dans ses intentions, facile dans l’expression et indispensable que les post-punk rockeurs Canadiens. Trésor national donc.