Le meilleur groupe d’électro rockabilly du monde est de retour et dans un état de forme désastreux. Oui, le monde va mal et il n’y a sans doute rien qui affecte plus la Poison que ça.
Le trio électro avait révélé quelques morceaux en 2021 dont on avait parlé ici, dont l’ouverture de ce deuxième album, le Monde va Mal. Il leur aura fallu un peu de temps sans doute pour disposer de suffisamment de matière en fusion afin d’assembler ce manifeste déjanté, dansant et ultra-politique qu’est la Décadanse Générale.
Quelques groupes ont emprunté le créneau de l’outrance électro-punk depuis l’entrée en scène de la Poison dont les plus fameuses les Vulves Assassines se sont taillées un beau succès chez les sympathisants de gauche. Le début d’album donne l’avantage roots à la Poison qui compte dans ses rangs une chanteuse remarquable et à la voix assez proche de celle de Catherine Ringer (un repère dans l’Hexagone), Moon. L’association de sa voix conquérante, du ska sautillant et mâtiné d’électro de ses deux comparses Lars Sonik et Doctor Fugu Shima (ce ne sont pas leurs vrais noms) nous offre un démarrage en trombe, ultra efficace, un peu subversif et qui inspire à l’auditeur un redoutable sentiment de liberté/libération. Dans un registre plutôt variété, les Mauvais Garçons se pose là, très rock (la séduction des bad boys) qui ne voit finalement pas plus loin que le bout de son nez. Ça sautille pas mal sur le sensuel et très pop Juste un Kiss qu’on ne résiste pas à comparer au Looking For A Kiss des New York Dolls. La comparaison n’est pas à l’avantage des Français qui semblent s’être considérablement assagis depuis leurs débuts et s’attachent moins ici à choquer qu’à séduire.
Le monde va mal est plus hédoniste et consolatoire que ne l’aurait laissé penser son ouverture. Le groupe est appliqué, concentré sur des mélodies séduisantes montées au synthé et soutenues à l’ancienne par une solide rythmique et des guitares classiques. Besoin de réconfort fonctionne bien et Sexe à Pile est aussi léger et fun que son titre le suggère. La Poison évoque un androïde sexuel sur un rythme enthousiaste et qui fait sourire. C’est amusant, vaguement suggestif et au niveau d’une rencontre au sommet entre Lio et Gotainer il y a 25 ou 30 ans.
La seconde partie du disque est plus engagée, même si elle conserve toutes les qualités et l’entrain de la première. Burn Out évoque…. le burn-out professionnel. On est toujours un peu circonspect devant cette approche qui veut changer une maladie professionnelle en chanson pop, un peu marrante et sérieuse à la fois. Mais La Poison fait cela avec beaucoup de talent et on imagine qu’on peut y trouver son compte. La musique est de qualité, bien troussée, les morceaux parfaitement calibrés et arrangés. Le propos est centré sur le symptôme et ne va finalement pas très loin dans le décryptage du phénomène. La Poison reste souvent à la porte des problématiques et se montre, par exemple, beaucoup moins culpabilisant ou accusateur que les Vulves Assassines. On retrouve cette manière assez consensuelle de « dénoncer » sur un Humain Humain ! sympa mais politiquement assez anecdotique et inoffensif. On ne doute pas que cette musique a un potentiel libératoire mais cet album, chanté en français, ne va pas forcément aussi loin qu’il en a l’air.
Le morceau titre, Décadanse Générale, cultive cette proposition de danser sur les ruines, de s’agiter pour tromper l’air du temps et gagner la fin en s’éclatant. C’est une manière de voir les choses. La forme est affriolante mais on ne peut pas s’empêcher de voir dans tout ça pas mal d’opportunisme et de superficialité. Il ne s’agit pas d’appeler à la destruction des moyens de production ou de revenir à l’autodestruction punk, mais le programme de la Poison est un peu trop fin pour qu’on fasse autre chose qu’écouter l’album avec sympathie, un brin d’excitation, mais sans éprouver vraiment la nécessité d’y revenir. On préfère finalement quand le groupe évolue dans la sphère sentimentale et s’amuse, morbide et bizarroïde, avec l’excellent Béton Brûlant, le meilleur titre des Rita Mitsouko entendu depuis la mort de Fred Chichin.
Décadanse Générale est un bon disque mais qui nous semble un effort intermédiaire en vue d’une transformation du groupe en une de nos plus efficaces unités de variété française. En l’état, La Poison est trop subversif et pas assez à la fois.
02. Les mauvais garçons
03. Juste un kiss
04. besoin de réconfort
05. Sexe à pile
06. Burn out
07. Décadanse générale
08. Béton brûlant
09. Humain Humain !
10. Je danse pour toi