D.Lights : Détroit, centre du monde

D.LightsSymbole d’une Amérique jadis prospère et aujourd’hui ruinée par la crise, la ville de Détroit fait partie des beaux sujets culturels de la rentrée. L’écrivain Thomas B. Reverdy consacre au sujet un roman assez formidable qui sort ces jours-ci chez Flammarion intitulé Il Etait une Ville. Ce titre, décalqué par ailleurs d’une chanson de Nougaro, n’aurait pas dépareillé en tant que porte-drapeau du projet D.Lights, s’il n’avait une portée par trop pessimiste et dénuée d’espoir. Car, là où l’écrivain (même s’il s’attarde sur les hommes qui font le présent) décrit les fantômes du passé et les ruines, le projet D. Lights est un projet ultravivant et qui lorgne vers l’avenir. Alors, oui, Détroit a dégusté, passant d’un statut plutôt glorieux de ville capitale de l’industrie automobile (d’où des noms et surnoms comme Motorville, Motor City ou Motown) à la triste récompense d’être la première ville américaine à demander sa mise en faillite. C’était en 2013 et les comptes municipaux accusaient alors un solde négatif d’un peu plus de 18 milliards d’euros. Mais la ville n’est pas pour autant morte pour ses habitants et la culture : c’est ce que montre, en musique et en images, le projet D.Lights, supporté par le label Jarring Effects. Les lyonnais avaient déjà produit une séquence similaire avec le projet Cape Town Effects il y a quelques années et D.Lights en constitue le prolongement naturel sur la forme, appliqué à une autre ville, à un autre pays, à savoir une rencontre humaine et musicale, autour du hip hop au sens large, entre des artistes du cru et des artistes français. Cette fois,  la rencontre a pris corps autour de deux producteurs, Charles Trees et YoggyOne et de trois rappeurs et rappeuses de la scène locale, Finale, Miz Korona et Intricate Dialect, qu’on ne connaissait pas avant ce projet. On a depuis poussé la découverte un peu plus loin, et apprécié les productions audacieuses de Trees ainsi que le flow souple et un brin nasillard d’I.D qui présente la particularité d’être fan d’égyptologie. Miz Korona semble être une rappeuse historique et légendaire du front, qu’on avait noté en featuring chez le maverick J. Jackson. Figure emblématique du hip hop de Detroit, elle est restée célèbre pour avoir ouvert la célèbre scène de battle entre Eminem et Xzbit dans 8mile, le biopic sur le rappeur.

Autour de ces cinq figures, le projet D.Lights s’accompagne de diverses manifestations artistiques, ateliers, rencontres et d’une tournée, mais également d’un DVD d’une petite heure, qui fait le point in situ sur le hip hop dans la ville et plus largement sur l’état de la cité (politiques publiques, etc). Resilience, c’est le titre du film, réalisé par Arno Bistchy est une balade urbaine magnifique qui donne à ce projet multimédia tout son sens. Autour de l’album de D.Lights, Jarring Effects travaille le coeur de son projet artistique, à savoir créer de l’agitation et de la révolution humaine là où ne l’attend pas forcément mais aussi déjouer le jugement (humain, moral, artistique) tout fait où qu’il se trouve pour lui substituer un témoignage saisi sur le vif et pétillant. Avec ce type de regard, la ville de Detroit revit et renaît devant nos yeux, sortant des clichés (pas tous erronés) qui la dépeignent depuis quasiment dix ans comme une zone sinistrée. Là où il y a de la vie, il y a du désespoir, ou vice versa, c’est un peu ce qu’on peut retenir de ce voyage, en plus de tenir un bon disque de hip hop et de faire œuvre utile.

Le disque et le dvd (vendus ensemble) sortent le 28 août 2015.

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