Non, mais sans déconner, peut-on vraiment s’enticher d’un groupe pareil ? Alors que les plus grands classiques du rock sont disponibles en un clic, qu’est-ce qui pourrait encore justifier qu’on s’intéresse aux quatre branleurs de Deeper qui ne font rien de plus que d’essayer de marcher dans les traces de leurs glorieux aînés ? Ces influences, ils ne prennent même pas la peine de leur renier les et ils les affichent : Wire, Devo, Gang of Four et Television.
Mais que voulez-vous, on est 2020 et si on part du principe que tout est déjà dit, tout a déjà été fait, alors autant de autant se contenter d’une dizaine d’albums poussiéreux et basta. En plus, Deeper ne parvient même pas à régurgiter les références précitées.
En fait, eux, ils s’en tamponnent. On sent bien avec leur second album que toute analyse rhétorique est le cadet de leur souci – déjà qu’ils ont opté pour un patronyme catastrophique pour le référencement… La formule est simple et c’est déjà celle qui était à l’œuvre sur leur premier album éponyme (2018 – Fire Talk). Inutile de chercher ce qui pourrait distinguer Auto-Pain (également promeut par le label de Brooklyn) de son prédécesseur.
L’album a été produit à deux pâtés de maison de chez eux, à Chicago, par Dave Vettraino et autant dire que cela du être vite plié. Les gars ont branché les amplis, « let’s play and record« . De toute façon, l’essentiel est de capter l’urgence du chant de Nic Gohl qui donne toujours l’impression d’être acculé, plaqué contre le mur d’une ruelle déserte par un molosse bas du front. Pour autant, il n’abandonne pas son ton crâneur alors qu’il va se faire écraser d’un énorme coup de poing. Avec cette arrogance de nabot, finalement, il s’en sort toujours. Il finirait pas écoeurer une bande de Hell’s Angels. Mais s’il peut faire le mariole, haranguer comme sur 4U, c’est que la section rythmique est coupante comme une lame de rasoir : riffs de basse étourdissants et frappe sèche font l’effet d’un élastique qui projette et retient. On n’est jamais aussi fort qu’avec de solides copains derrière soit. Cela parait évidemment tout simple, mais cela donne une incroyable vélocité aux compositions du groupe – qui restent souvent sous la barre des trois minutes car « less is more« . Ainsi cadrées, les plans de guitares, eux, peuvent se montrer fichtrement inventifs. Et Mike Clawson profite à plein de cette liberté pour embarquer la mélodie assez loin – en atteste les chausse-trappes du génial single This Run. Sur la longueur, Auto-Pain fait l’effet d’une machine à laver le cerveau. On dodeline de la tête, on tape du pied avec insistance comme on le faisait sur les meilleurs albums de Sebadoh. Deeper fait même du post-punk mais en passant le disque en 45 tours au lieu de 33 (le refrain de V.M.C. n’a-t-il pas été chipé à Joy Division ?). Le verdict n’a pas le temps de tomber que Deeper a coupé court. Mieux vaut ne pas insister quand même : on éructe, on tend un beau majeur et on détale vite fait. Le groupe connaît ses limites aussi.
Auto-Pain est un disque pressé et quelque peu oppressant, véritable exutoire à l’anxiété de ses auteurs. Un album de gens stressés et il y a de quoi, c’est certain. Warm qui boucle le disque est même animé par une fièvre maladive. Mais ces chansons, jouées le couteau entre les dents, donnent l’envie d’en découdre, le temps d’une escarmouche, pour les combats du quotidien.
02. Run
03. This Heat
04. Willing
05. Lake Song
06. Untitled
07. Spray Paint
08. 4U
09. VMC
10. Helena’s Flowers
11. The Knife
12. Warm