Tout avait mal commencé avec The Twilight Sad. Et on pourrait aisément comprendre que certains restent complètement rétifs à la musique du groupe écossais. Car chez eux, rien n’est gratuit, tout se mérite.
Après avoir écumé les bars entre Glasgow et Édimbourg dès 2003, le quatuor mené par James Alexander Graham (chant) et Andy MacFarlane (guitares) signait sur le label FatCat Records, alors au faîte de son succès. En 2007, Fourteen Autumns & Fifteen Winters faisait son petit effet chez les médias érudits (ou pédants ?), toujours prompts à s’enticher d’un groupe pas commode à dompter et éminemment clivant. Car oui, The Twilight Sad n’a rien de ces groupes tièdes, aux chansons interchangeables et au look travaillé. On accroche – ou pas. En tout cas, il n’est pas envisageable de rester impassible face à ces chansons habitées et souvent claustrophobes. Pour entrer dans leur univers, il faut souvent en passer par l’écoute de Òran Mór Session (FatCat – 2014), une session acoustique et apaisée de chansons plus anciennes qui a donné l’occasion au groupe de baisser la garde pour la première fois, tendant la main à l’auditeur plutôt que de le prendre à rebrousse-poil. Grâce à ce sésame, on a appris à apprécier leurs chansons fiévreuses et torturées. Il est désormais avéré aussi que, même si certains peuvent se targuer de passer les 800 points au TOEIC, ils n’en comprendront pas pour autant l’intégralité des textes. Il faut écouter James Alexander Graham comme si on écoutait un chanteur traditionnel malgache ou mandarin : pour ces sonorités, pas pour le sens, vu qu’il roule les « rrrr » comme la mer charrie les galets au pied des falaises de l’île de Skye.
L’introduction de leur septième album, It Won/t Be Like This All The Time (Rock Action), pose la teneur du sujet : une sorte d’alarme oppressante se fait rapidement supplanter par le chant halluciné de Graham. D’entrée de jeu, il harangue l’auditeur et [10 Good Reasons For Modern Drugs] n’est pas terminé que le groupe est déjà à nu, les plaies à vif et l’écume aux lèvres. Sans même bander les muscles : ces types n’ont pas besoin d’être agressifs pour que l’on comprenne qu’ils jouent leur vie à chaque chanson. Après deux uppercuts, l’album s’éloigne de ce registre de l’urgence, The Arbor évoquant une version ancestrale de The Cure, planté dans la tourbe des Highlands. On pointe d’ailleurs ici et là des inflexions post-punk, en particulier par le traitement de la basse et des synthétiseurs vintage (Auge/Maschine en est un bel exercice de style) même si The Twilight Sad s’est rarement montré aussi pop. Certes, brûlant et passionné, comme sur le single I’m Not Here [Missing Face]. Par fulgurance même, certaines mélodies évoquent The Smiths à leurs tout débuts ou encore du early U2. Mais comme souvent, on constatera que l’Écosse est la terre britannique la plus proche de l’Amérique. Plutôt que la préciosité, The Twilight Sad privilégie un traitement brut et direct pour préserver l’émotion première et l’énergie primale. L’ambiance générale n’est d’ailleurs pas très éloigné de celles développés par I Love You But I’ve Chosen Darkness. Voilà jetés pêle-mêle et avec un parti pris certain, tous les arguments qu’on est capable aujourd’hui d’aligner pour vous inciter à écouter ce grand disque – très fort et en solo.
03. The Arbor
04. VTr
05. Sunday Day13
06. I/m Not Here [missing face] 07. Auge/Maschine
08. Keep It All To Myself
09. Girl Chewing Gum
10. Let/s Get Lost
11. Videograms