Lettre de fan : réédition du joyau pop ultime des années 80.
Par Nicolas Pertchouk.
The Apartments, The Evening Visits… And Stays For Years (Rough Trade & Virgin – 1985 puis New Rose – 1994), miraculeuse perle noire ?
De Peter Milton Walsh, on ne savait rien. Après trente ans, force est de constater que mis à part une poignée d’irréductibles adorateurs, le constat est le même. Au mieux, il aurait pu rester avec The Go Betweens, groupe pop australien de Brisbane auquel il participa à ses débuts. C’était encore trop lumineux, lui qui s’enferma dans une clandestinité qu’il n’a jamais quitté depuis. Si elle lui a inspiré ce qui constitue l’un des plus grands premiers albums de l’histoire, et les chefs d’œuvre dont il a parsemé les décennies suivantes, le choix aura peut-être été le bon au final.
The Evening Visits… And Stays For Years. Un titre annonciateur pour cette pop baroque, à cordes et à trompettes, dont la mélancolie nous a visité et s’est installé pour toujours à nos côtés.
L’album commence en douceur avec Sunset Hotel, réminiscence d’un certain hôtel californien, au crépuscule d’un soir de brume. Et déjà de magnifiques chœurs féminins, et déjà le doux venin de la voix de Walsh qui vous atteint en plein cœur. Tout est dit dans ce premier titre, la mélancolie et le désespoir guettent, mais ne sont jamais plombants car déposés dans un écrin mélodique d’une limpidité magnifique. C’est l’équilibre constant de l’album, improbable mélange de désolation et de noirceur, illuminées par des mélodies impossibles d’où la vitalité émerge toujours. Le reste de l’album est au diapason, et, trente ans après, on est frappé par l’énergie qui se dégage de ce disque.
On donnerait beaucoup pour découvrir cet album, pour revivre le choc et les émotions du début. A ceux qui auront cette chance, les autres albums de The Apartments sont tous indispensables, en particulier Drift, d’où affleurent des jets d’une électricité nerveuse et rédemptrice.
L’album est richement réédité par Captured Tracks, puisqu’aux neuf titres originaux viennent s’ajouter pas moins d’onze autres compositions. Tout d’abord cinq chansons anciennes et très rares, dont on retiendra notamment Help, qui aurait eu sa place sur n’importe lequel des albums de Peter Milton Walsh. Une voix encore juvénile mais portant déjà toute l’intensité à venir. All You Wanted est également une chanson magnifique, face B (!) d’un ancien EP. Combien d’artistes donneraient leur âme pour écrire un jour un single de ce calibre ?
Les six démos qui suivent, pour les passionnés, éclairent sur le processus de création de Walsh : on y retrouve en gestation les chefs d’œuvre de The Evening Visits… And Stays For Years, avant les mille coup de pinceaux qu’il a patiemment apportés pour faire passer ces chansons de magnifiques à éternelles.
Outre cette réédition bienvenue, l’actualité récente est généreuse pour les fans. Après un silence de dix sept ans marqué par des événements personnels, Peter Milton Walsh nous est enfin revenu avec No Song, No Spell, No Madrigal, disque de deuil également chroniqué dans nos pages, merveilleux nouveau chapitre écrit dans l’histoire de cet homme sans âge.