Le temps des rejets : Interview 4 saisons avec Mike Law de Wild Arrows

Wild Arrows par Lindsey Law

Après avoir fait de The Last Day of Summer, notre single préféré du mois de septembre, on avait envie de savoir ce qui animait Wild Arrows, le groupe new-yorkais, à quelques semaines de la sortie de leur nouvel EP, Rejection Bloom. A l’image du titre (« la floraison du rejet », « le bouquet des camouflets » ?), Mike Law, depuis quelques années seul maître à bord du groupe, propose une dream pop aux accents gothiques aussi douce et sucrée que sombre et mélancolique. Adepte du contrepied, et de la conciliation des contraires, le chanteur compositeur nous a parlé de ses aspirations et inspirations. Pas étonnant face à la subtilité d’une telle œuvre, que Michael Stipe de REM ait pris le temps de s’intéresser au groupe et de saluer publiquement ses qualités. 

English version below.

Votre morceau s’appelle Last Day of Summer. Vous avez quoi cet été ? Vous avez pris des vacances ? Avec qui et où ?

Je suis principalement en esprit… quand tout le monde s’en va et me laisse seul. J’ai eu une année si chargée cette année que même en me couchant très très tard, je n’ai eu que très peu de temps pour moi. D’ailleurs, j’ai assez peu fait de musique mais heureusement, cela ne s’oublie pas et je m’y suis remis facilement.

C’est bien l’été à New York ? 

Je suis un oiseau de nuit. L’été, comme à d’autres moments, c’est mon état naturel de me balader dans les rues de New York en pleine nuit. Mais avec le changement climatique, on a ces séries d’orages hallucinants et complètement dramatiques, de telles chaleurs extrêmes que c’est devenu différent. Ce n’est plus du tout agréable. C’est vraiment un mauvais endroit et un mauvais moment global du point de la société toute entière. Réellement une période éprouvante et terrifiante.

Quelle est ta saison favorite ? 

L’automne, je dirais. Il faudrait que j’écrive une chanson à ce sujet. The First Day of Fall. Le premier jour de l’automne, tiens.

Comment est-ce que vous qualifieriez cette atmosphère particulière qui vient avec la fin de l’été ? 

Pour moi, cela varie chaque année. A travers la chanson, je fais référence aux étés de ma jeunesse. Je vivais encore à la maison avec mon père et un jour en me baladant, une nuit encore, j’ai éprouvé cette sensation écrasante et très profonde que mon coeur s’était effondré, brisé tout un coup, en morceaux. C’est comme si, soudainement, je recevais cette émotion et la ressentais au plus fort de moi après l’avoir gagné en héritage, au nom de toute ma génération. Mon coeur saignait. Cela n’avait rien à voir avec la fin d’un amour romantique mais je ressentais tout à coup l’absurdité de tout chose. L’inanité de l’amour, du temps. Peut-être est-ce que je venais de relire Albert Camus, je ne sais pas, un précipité d’angoisse adolescente. Si je suis honnête, j’ai encore ça ici, c’est prenant, la sensation n’est jamais partie.

Etes-vous sujet à la dépression automnale ? 

La dépression n’est pas chez moi une affaire de saisons

Comment envisagez-vous la période de rentrée scolaire cette année ? 

J’espère bien ne plus jamais retourner à l’école. Je regrette d’être allé à la fac. Evitez l’école ! Fuyez !

Pouvez-vous partager avec nous l’un de vos meilleurs souvenirs de vacances d’été lorsque vous étiez enfant ?

On ne partait pas en vacances mais j’ai en mémoire un voyage nocturne avec mon père dans le New Hampshire. On logeait dans un motel and un endroit appelé « la Rivière Perdue » où la rivière serpente à travers les rochers d’une manière vraiment inhabituelle et splendide. On s’était baladés dans ce paysage et cela avait enflammé mon imagination de gamin. Je m’étais senti comme si nous étions dans le Seigneur des Agneaux ou quelque chose comme ça. Après ça, on avait embarqué dans un train pour touristes à travers les Montagnes Blanches (White Mountains) et on avait mangé du poulet grillé au barbecue. Je me souviens de l’odeur du blouson de mon père quand il me serrait contre lui. C’était chouette.

Le single The Last Day of Summer ressemble à une chanson de rupture. Vous pouvez nous en dire plus sur cette chanson ou est-ce que vous trouvez que cela se passe d’explications ?

Peut-être que ça ne sert pas à grand chose d’expliquer. Les personnes qui écoutent peuvent interpréter cette chanson comme ils l’entendent mais pour moi, ça n’est pas du tout une chanson de rupture amoureuse. J’étais persuadé que beaucoup comprendraient la chanson ainsi. Une fois que la chanson est dans la nature, ça ne m’appartient plus. Mais pour moi, c’est avant tout une chanson qui me permet d’exprimer des choses que je me chante à moi-même au sujet de mes espoirs et de ce que je voulais lorsque j’avais 17 ans. Avoir le coeur brisé ne renvoie pas seulement à des ruptures amoureuses. Il y a tant d’autres raisons possibles. C’est un dialogue intérieur, une conversation avec moi-même.

Votre nouvel EP sort en octobre. Combien y aura-t-il de chansons dessus ?

Pour le moment il y a six chansons mais il est possible que j’en ajoute une à la dernière minute si j’ai la possibilité de passer du temps en studio pour la mixer correctement. En fait, on m’a demandé d’écrire de la musique pour d’autres musiciens pop et ce EP regroupe des chansons qui ont été envoyées pour ces personnes et qu’elles n’ont pas voulues. C’est quelque chose que je souhaite vraiment très fort : que ces chansons soient repoussées pour pouvoir les récupérer pour moi. De quel droit est-ce qu’ils soustraient ces chansons à la petite économie artisanale dans laquelle le capitalisme m’a enfermé ? Je suis si content quand elles me reviennent. C’est pour cette raison que les paroles de ces chansons sont un peu plus banales et mainstream que sur mes albums et ça ne veut pas dire du tout que je ne les aime pas. Je les adore mais c’est aussi un défi de chanter ce genre de choses. Etre aussi direct, aussi explicite et franc est difficile. D’une certaine façon, c’est plus confortable de rester lové dans une couverture épaisse et rassurante de métaphores et d’images obscures. C’est autre chose et tout aussi intéressant.

Avez-vous joué en Europe au printemps finalement ? Comment est-ce que cela s’est passé ? 

Non, non. Wild Arrows ne s’est pas déplacé en Europe depuis la pandémie de covid. On a eu quelques plans qui ont capoté mais y retourner début 2024 est quelque chose d’assez probable. Sur scène, on tient quelque chose qui est vraiment ce que j’ai fait de meilleur d’entre TOUS mes projets. Et l’accueil est énorme à chaque fois.

Qu’est-ce que vous écoutez comme musique en ce moment ?

Parmi ce qui tourne chez moi, il y a le nouveau King Krule, de vieux disques de Cate Le Bon et du groupe de Brooklyn Godcaster et aussi le dernier album de S.C.A.B. Ah oui, j’ai aussi bien accroché sur une chanson d’un groupe qui répète au même endroit que nous, qui est un nouveau groupe qui s’appelle Nara’s Room. Mais je ne crois pas que cette chanson ait déjà été enregistrée en fait. Je l’ai juste entendue dans le hall et waoh… c’était terrible. Euh… j’en ai une autre tout aussi obscure. Je fais une fixette sur la version interprétée par Elvis Costello de la chanson Little Atoms, celle qu’il joue au Larry Sanders TV show, cette version en particulier…


Time of No Reply – Mike Law Summer Lesson 

Mike Law par Joel Barhamand

With his new single The Last Day of Summer being our « single of the month » in september, we wanted to ask Mike Law, Wild Arrows’ main and only man now, about what he did last summer… and about the coming new EP, Rejection Bloom. The title says it all about the band’s ambivalent and refined way to conciliate mixed sensations, feelings and attitudes into a complex and exciting alchemy. Wild Arrows’ music is dark and light at the same time. It is packed with energy and melancholy, with the sense of passing time and teenage angst.  We didnt expect to shed a tear on Law’s dad jacket smell as he remembers about his White Moutains getaway. People should read and listen a bit more to what those kind of artists have to say. Enough said… 

What did you do this summer ? Been on holiday ? Where and with whom?

I mostly just vacation in my head when everyone finally leaves me alone. But I was so busy this year that even when I stayed up late I didn’t have time alone. I barely played any music, hopefully I didn’t forget how.

Is summer in New York ok?

I’m a night person and walking around NYC late at night in the Summer is my natural state. But with climate change we are getting these dramatic and crazy rainstorms and extreme heat so it feels different. It is not good. We’re in a really bad place with that as a society. It’s terrifying.

What’s your favorite season?

Probably Autumn. I’ll have to write a follow up song by tomorrow, « The First Day of Fall »

How would you describe this special mood and atmosphere which comes with the end of summer?

It feels different to me every year. Our song was about one specific moment when I was younger. I still lived at home with my Dad and when I walked outside one night I felt this crushing and deep, endless heartbreak all at once. It was like I felt it from generations all in one moment. It wasn’t about romantic love though, it was somehow knowing the pointlessness of everything, including love and time. Maybe I’d just re-read Camus or something, teenage drama I guess but to be honest I still feel it.

Are you subject to autumnal depression?

I’ve found depression doesn’t favor any season.

What is your “back to school” September period like this year ? Does it bring any change in your life?

I hope to never go to school again. I regret going to college. Stay out of school.

Can you tell us a memory of one of your best summer holidays as a kid?

We didn’t go on vacations but I do remember going on an overnight trip with my Dad once to New Hampshire. We stayed at a motel and went to a place called « The Lost River » where the water had cut through the rocks in a really unusual and beautiful way. We walked around there and it ignited my imagination as a kid. It felt like I was in the Lord of the Rings or something. After that we rode on a train for tourists through the White Mountains and ate barbecue chicken. I remember the way my Dad’s jacket smelled when he hugged me, it was great.

The song seems to be about a break up. Can you tell us a bit more about your intentions,about the context of the song ? Or is it not that necessary to explain things…

Well, it’s not necessary to explain because different people will hear it however they hear it but for me it is definitely not about that. I was sure it would be heard as a romantic loss but once a song is in the world it’s not really mine anymore to control. For me it’s a bit more like I’m singing to myself about the things I’d hoped and wanted by the time I was 17. Heartbreak isn’t just about romance. It’s a conversation with myself.

You got a EP in October ? How many songs is it?

It’s six songs although I’m thinking about adding one more last minute if I can get the mix time booked. I get asked to write music for pop musicians sometimes so a few of these were sent to them that they rejected. I always kind of secretly want them to reject the songs so I can have them back. I mean how dare they get my songs aside from our capitalist prison we barter in. I get some satisfaction when they stay mine. That’s why the lyrics are a bit more banal than other albums and that’s not to say I don’t like them, I do, but it’s a challenge to sing like that. Being that direct and open is difficult. It’s easier to stay tucked warm in bed under a blanket of metaphors and imagery. Feels nice.

You’ve been playing in continental Europe in spring. How was it like?

Wild Arrows hasn’t played Europe since before the pandemic. We had a few things fall through but going to the EU in early 2024 is looking promising. The live show is feeling the best I’ve EVER felt in any project I’ve had. The response has been so good.

Favorite song of the time for you?

Favorite songs right now are rotating between the new King Krule, some older Cate Le Bon and Brooklyn bands Godcaster and the last S.C.A.B. album. I also heard a song from a band in our practice space by a new band called Nara’s Room but I don’t think it’s recorded or released yet. I was just hearing it bouncing through the halls and it was awesome. Oh, and here’s an extra obscure one; I’ve been really into the Elvis Costello version of Little Atoms that he plays on the Larry Sanders TV show, but that specific version in particular.

Crédits photos : Wild Arrows par Lindsey Law (photo 1) et Mike Law par Joel Barhamand (photo 2)

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